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Léon Trotsky 19150331 Il y a encore des sociaux-démocrates

Léon Trotsky : Il y a encore des sociaux-démocrates

[Naché Slovo, No. 53, 31 mars 1915. Léon Trotsky : La Guerre et la Révolution. Le naufrage de la II” Internationale. Les débuts de la IIIe Internationale. Tome deuxième. Paris 1974, pp. 167-168]

Nous avons reçu, avec beaucoup de retard, le numéro de Février de Lichtstrahlen, petit journal de propagande autour duquel se groupent de nombreux Internationalistes. L’article de tête – « Il y a encore des sociaux-démocrates » – est consacré à la conduite des socialistes français et russes vis-à-vis de la Conférence de Londres. L’article évoque cet épisode parlementaire où Viviani calma la Chambre en annonçant que les décisions prises à Londres n’influenceraient pas la politique gouvernementale, et où il fut vigoureusement applaudi par Sembat et Guesde.

« Comme une consolation dans un grand chagrin, comme une étincelle dans l’obscurité, poursuit le journal, nous parvient la nouvelle qu’en dépit de tout, il existe encore des sociaux-démocrates. La nouvelle nous vient de nos camarades, les sociaux-démocrates russes. Ils ont refusé avec indignation de jouer le rôle d’instrument dans les mains du Tsarisme qu’ils considèrent comme l’arme de leur mortel ennemi, le Capitalisme…

« Dans un article admirable, dont quelques passages furent reproduits par « Vorwärts » [il s’agit de la déclaration rédigée par un collègue des collaborateurs de Naché Slovo], ils ont montré au monde que le Socialisme n’est pas mort, qu’il y a encore des socialistes au monde. Ils protestent contre la Conférence organisée par les socialistes de l’Entente comme si ces derniers avaient entre eux des liens étroits et particuliers. En premier lieu cette Conférence contredit l’internationalité des problèmes posés au prolétariat, disent nos camarades russes. N’ont-ils pas raison ? Si les capitalistes anglais, français et russes ont jugé bon de conclure une alliance, est-ce une raison pour que les socialistes de ces pays forment entre eux une sorte d’union, qui exclut les socialistes allemands, autrichiens et neutres ? N’est-ce pas là sanctionner les actions sanglantes du Capitalisme et abaisser les socialistes au rôle d’une garde du corps ?

« Allons plus loin. Quel but veut atteindre la Conférence de Londres ? ». – « A soutenir politiquement et moralement la politique de l’Entente », nous répondent nos camarades russes. Là encore ils sont dans le vrai. La « Défense nationale » comme l’imaginent les diplomates de l’Entente n’est qu’une tromperie, elle est un mensonge si la guerre est proclamée libératrice, cette tromperie et ce mensonge doivent être fortifiés par « le mauvais usage des idées et de l’autorité du Socialisme international ».

« Le problème fondamental des éléments socialistes de l’Entente, ainsi parlent nos camarades russes, consiste à dévoiler les significations réelles de cette guerre et à montrer au monde que les socialistes gouvernementaux n’ont pas pour eux tous les socialistes des nations alliées… »

« Il est difficile de croire, ainsi s’achève l’article, que Guesde, Sembat et leurs frères se réjouissent de ce langage sincère, honnête et viril. Nous nous en réjouissons d’autant plus qu’il existe des sociaux-démocrates qui, dans le tohu-bohu enragé de la guerre, n’oublient pas leur devoir. »

Jamais encore, ajouterons-nous, l’activité des socialistes dans un pays ne fut aussi dépendante de la politique socialiste des autres pays. L’accroissement de la solidarité internationale et la lutte pour la paix ne peuvent se développer que parallèlement dans les nations emportées par un tourbillon sanglant. Les socialistes gouvernementaux français contemplent avec espoir la montée du sentiment révolutionnaire chez les prolétaires allemands. Et toute leur conduite repose sur cet espoir. Au contraire les sociaux-démocrates révolutionnaires russes ne soutiennent pas l’Impérialisme allemand comme le prétendent calomnieusement les sycophantes patriotiques, mais son mortel ennemi, l’aile internationaliste de la Social-démocratie allemande. La lutte menée par cette dernière nous est, à son tour, un appui précieux dans notre lutte contre la réaction « ententiste ».

En vérité, il y a encore des sociaux-démocrates révolutionnaires, demain, il y en aura plus encore.

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