Léon Trotsky‎ > ‎1915‎ > ‎

Léon Trotsky 19151028 L'activité de la gauche en Allemagne

Léon Trotsky : L'activité de la gauche en Allemagne

[Léon Trotsky : La Guerre et la Révolution. Le naufrage de la II” Internationale. Les débuts de la IIIe Internationale. Tome deuxième. Paris 1974, pp. 36-37]

En quoi consiste votre travail ?

Nous menons, dans les masses, une propagande contre la prolongation de la guerre, contre la politique des main-mises et des contributions, contre l’orientation officielle du Parti qui soutient le pouvoir. Nous complétons le travail des journaux légaux, qui partagent notre point de vue, par des proclamations illégales tirées à des centaines de milliers d’exemplaires. Vous connaissez probablement nos slogans : « Le principal ennemi – dans notre propre patrie », « Les annexions insensées », etc., etc. Dans cet esprit, nous menons une agitation verbale dans les réunions et plus ça va, plus fréquemment et plus radicalement, nous brisons les cadres de la légalité. Avons-nous du succès ? Sans aucun doute. La contradiction entre la politique officielle, gouvernementale, celle aussi du Parti, et l’état d’esprit des masses croit sans cesse. Nous demeurons à l’intérieur de l’ancienne organisation du Parti, mais nous suivons, obstinément, notre propre orientation, nous avons nos propres réseaux et nos centres officiels.

Vous nous interrogez sur la mentalité de nos masses laborieuses, nous dit Hoffmann, je vous répondrai catégoriquement : elle est hostile à la guerre, au pouvoir et aux hautes instances du Parti. Partout où nous avons eu la possibilité d’entrer en contact avec les couches populaires, nous avons constaté qu’elles se libèrent définitivement de la griserie chauvine. Prenez ma circonscription électorale : elle est parmi les plus arriérées, avec une population composée à moitié de paysans, à moitié de travailleurs des mines, qui, il y a seulement quelques années, tenait pour la réaction cléricalo-antisémite. Il y a une semaine, je lisais à une assemblée « d’hommes de confiance », c’est-à-dire de délégués élus, un exposé sur la situation politique et je leur proposai ce qui suit : les députés sociaux-démocrates doivent refuser les crédits au Pouvoir et exiger la fin immédiate des hostilités. Tous les délégués furent d’accord d’une façon unanime et catégorique : pas une voix de protestation. Il aurait semblé pourtant que la propagande chauvine n’aurait pas trouvé de meilleur terrain que cette circonscription arriérée !…

La Conférence de Zimmerwald nous donna un appui irremplaçable pour le développement de notre action, nous dit l’énergique animatrice du mouvement féminin. Notre opposition parlementaire, principalement avec Ledebour, a un caractère « extra-parlementaire ». Alors que les « droites » ont la prépondérance et vont jusqu’au bout de leurs entreprises, utilisant toutes les ressources du Parti; nos parlementaires d’opposition se soumettent à la discipline et, aux moments décisifs, s’éloignent du Reichstag, au lieu d’attaquer la Droite. Se déclarant, par principe, solidaires de Liebknecht, nos parlementaires oppositionnels – il y en a actuellement quarante – rejettent son expérience. Nous voulons mettre fin à cet état de choses. L’opposition social-démocrate dans le pays est plus décidée que celle de nos parlementaires. Nous tenons pour Liebknecht.

La Social-démocratie a, par sa conduite depuis le 4 août, provoqué d’abord l’étonnement, puis l’indignation. Tous les exposés faits à la Conférence en ont suffisamment parlé. Il n’aurait pu en être autrement. Mais il serait parfaitement injuste de tracer une croix sur la Social-démocratie. La contestation vint de l’intérieur. La politique pratiquée par les centres officiels, fondée sur celle des Socialistes français, se heurta de suite à une forte opposition. Mais l’embrouillamini était tel, les masses étaient tellement désorientées, égarées par la suite des événements et par le comportement des « guides » qui devaient les « conduire », que Scheidemann et Heine ne rencontrèrent, au début, aucune opposition formelle. Mais plus la politique « capitularde » des dirigeants invertébrés du Parti se fera brusquement inexplicable – du moins à première vue – , plus la réponse des masses se fera implacable. La Gauche allemande regarde l’avenir avec pleine confiance.

Kommentare