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Léon Trotsky 19150417 Une bassesse contre Racovsky

Léon Trotsky : Une bassesse contre Racovsky

[Naché Slovo, No. 67, 17 avril 1915. Léon Trotsky : La Guerre et la Révolution. Le naufrage de la IIe Internationale. Les débuts de la IIIe Internationale. Tome deuxième. Paris 1974, pp. 203-204]

L’arme principale dont on use dans la lutte psychologique est, sans conteste, la calomnie. Il semble que nombre de gens mentent et calomnient déjà en temps de paix. Mais d’après ce que nous observons depuis le début de la guerre, il semblerait que les sphères dirigeantes, s’étant pliées jusqu’ici aux lois de la morale, se dépêchent,, une fois que Mars a brisé leurs liens, de déverser ce qu’ils avaient dû taire jusque-là. Si un historien écrit sur la guerre, avec quelle répugnance – et quelle honte pour ses pères – ne relatera-t-il pas le travail de ceux qu’on nomme les responsables : députés, diplomates et journalistes de service !

Douter que la presse russe occupe une place de choix dans ce monument de honte, serait un mensonge de la modestie nationale. Dans cette grande presse russe, Amphitéatrov s’évertue de toutes ses forces à donner une note plus sérieuse en usant de sa réputation d’ancien « rouge ». Récemment encore, Amphitéatrov écrivait l’histoire des célèbres propriétaires Obmanov (Romanov), mariés à des Allemandes, et maintenant il cherche à savoir si les politiques italiens qui ne veulent pas fraterniser avec les Obmanov n’ont pas épousé des Allemandes. Hier encore, on l’accusait d’être vendu aux juifs, lui qui est devenu un mangeur de juifs. Il recherche les motifs qui ont poussé les Internationalistes italiens à se vendre aux Allemands.

Racovsky s’est rendu en Italie – socialiste en visite chez des socialistes – pour lutter contre l’intervention armée de la Roumanie. Mais quelle mission a donc Amphitéatrov si ce n’est de calomnier Racovsky ! La pire Censure sévit actuellement au nom de la guerre « libératrice ». Elle fourre son nez dans les bureaux télégraphiques, regarde les lettres privées et applique son oreille aux fils télégraphiques. Amphitéatrov a pu écrire sur les Obmanov dans l’émigration, mais calomnier Racovsky !… Je vous en prie, Censure, écarte-toi !

Racovsky est arrivé à Rome avec « une mission officielle ». De qui ? Du gouvernement ? Mais Amphitéatrov sait bien que c’est idiot, et il ajoute « qu’il faut en douter ». Pourquoi ? « Ce n’est pas un type à qui l’on confierait une mission officielle. » Mais si l’on ne parle plus de mission officielle, il n’y a donc plus de base à la calomnie. Amphitéatrov n’en est nullement gêné. Il termine sa communication avec les racontars d’autres calomniateurs : « Racovsky n’est qu’un prête-nom (?), envoyé en Italie (par qui ?) pour faire de la propagande allemande. »

Mais, voyons, Racovsky n’est pas un type à être envoyé en mission officielle. C’est un prête-nom. Il faut en douter, mais il a quand même été envoyé. Si on l’envoie, ce n’est donc pas un « type » suspect ! On calomnie et on ment, on agite la queue en attendant les résultats.

Racovsky est connu de l’Internationale. C’est un homme qui depuis vingt ans combat sous le drapeau du Socialisme, qui est étroitement lié aux socialistes russes, français, bulgares et roumains, qui donne toutes ses forces, – et nous nous permettons de le souligner ! – toutes ses ressources à la libération du prolétariat. La bave d’Amphitéatrov ne l’atteint pas ! quant à ce dernier, l’affaire est claire ! C’est le « type » auquel on peut confier toutes les basses besognes.

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