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Léon Trotsky 19160912 Alexinsky et son « Prisiv »

Léon Trotsky : Alexinsky et son « Prisiv »

[Naché Slovo, No. 210, 12 septembre 1916. Léon Trotsky : La Guerre et la Révolution. Le naufrage de la IIe Internationale. Les débuts de la IIIe Internationale. Tome deuxième. Paris 1974, pp. 222-223]

Dimanche, à l’occasion de la merveilleuse affaire Dmitriev, nous avons mis en lumière quelques lignes de Prisiv et d’Alexinsky. Aujourd’hui, nous jugeons instructif de prendre l’affaire de l’autre côté, celui d’Alexinsky et de son Prisiv.

Il s’est écoulé un mois depuis qu’Alexinsky a été publiquement flétri. Il n’a pas prononcé une parole. Il se tait. Alexinsky se tait. Chaque terme de la résolution résonne comme un verdict de mort… Alexinsky se tait.

Il se tait bien qu’il n’ait pas la plus petite chance que son silence soit regardé comme une marque de désapprobation du verdict prononcé contre lui. Non. Alexinsky a fabriqué du matériel « pour une calomnie politique, et une dénonciation mensongère » en faveur des mêmes gens qui l’ont condamné par la suite. Ayant pris sur lui une mission confiée par la police politique, en l’occurrence, M. Bateaut, Alexinsky, après tous ses chantages en a appelé au jugement des journalistes. Il a reconnu ainsi leur compétence en matière de morale politique et, en jugeant Dmitriev, s’est soumis lui-même au jugement de ses pairs. Il se retrouve déshonoré.

Pourquoi Alexinsky se tait-il ? Pourquoi n’a-t-il pas fait entendre des protestations indignées ? Pourquoi n’invoque-t-il pas des circonstances atténuantes ? Ne serait-ce pas parce que ses confrères lui ferment les portes de leurs journaux ? Ce serait bien dans leurs manières. Ils le considèrent comme assez bon pour se livrer, dans son journal, à des attaques calomnieuses, mais leur prudence, qui ressemble fort à de la lâcheté, les empêche d’assumer la défense du confrère qui s’est attiré la flétrissure « pour calomnie politique et dénonciation mensongère ». Bien sûr, il aurait la ressource de se tourner vers Sévérac et Mikhaïlov, mais ce faisant il signalerait que ses proches lui ont refusé toute aide, dans une affaire, dont, en un autre milieu, dépend la vie politique d’un homme.

Voilà pourquoi Alexinsky se tait. Voilà pourquoi Prisiv se tait. Et leur silence reconnaît que le verdict est de ceux dont on ne se lave pas.

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