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Léon Trotsky 19160309 « Auto-défense »

Léon Trotsky : « Auto-défense »

[Naché Slovo, No. 58 et 69, 9 et 22 mars 1916. Léon Trotsky : La Guerre et la Révolution. Le naufrage de la II” Internationale. Les débuts de la IIIe Internationale. Paris 1974, pp. 218-224]

1. « Il faudra »

II y a quelques années, en pleine contre-révolution, un groupe bien connu de l’Intelligentsia Kadet, ayant comme chef P. Struve, publia son programme sous le titre Vekhi, dans lequel il rompait définitivement tout lien avec le « radicalisme irresponsable » et adoptait le point de vue gouvernemental. Maintenant une partie de l’Intelligentsia marxiste publie une revue qui, selon un de nos camarades, serait l’équivalent de Vekhi, digne du social-patriotisme russe.

Dans cette revue, douze auteurs : comme les apôtres. L’un d’eux, Sédov, a semblé suspect à la censure et elle a biffé son article en totalité. Mais l’esprit de Sédov qui, suivant Naché Diélo, est « notre internationaliste », est imprimé dans la revue, car dans la préface il est déclaré ceci : « Les idées d’internationalisme et d’auto-défense engagent tous nos collaborateurs, sont ainsi liées toutes les différentes nuances de la collectivité contemporaine, qui sans le moindre doute se rencontrent chez les écrivains. »

Chez ceux-ci, il y a non seulement des différences mais aussi des contradictions et des oppositions (devons-nous employer ce mot déplacé de « profondes » ?). L’argumentation de ces auteurs est toute superficielle. Mais par-dessus toutes ces oppositions, ils sont tenus ensemble par une union réelle, indéniable !… Celle de la capitulation devant la bourgeoisie et le gouvernement. Ils tournent le dos au Socialisme révolutionnaire et ne sont pas capables de mettre en ordre leur argumentation « socialiste ».

Nous nous occuperons de cette argumentation non pas pour sa valeur théorique qui est nulle, mais pour sa signification démonstrative qui est indubitable. La revue est le témoignage frappant que si, en France, l’auto-liquidation du Socialisme a dû prendre une forme ministérielle, il suffit qu’elle prenne, en Russie, la forme de « l’idée de défense ».

Avant tout, nous désirons donner au lecteur la possibilité de sentir « l’esprit » général de la revue. Il n’y a pas de meilleur moyen que de laisser parler les auteurs.

L’article de tête est signé : V. Zassoulitch. Ce nom appartient à l’histoire de la Révolution russe et à celle de notre Parti. C’est pour ce motif que nous aurions voulu passer à côté de l’article. Mais… l’article est en tête dans les Vekhi du social-patriotisme et, par conséquent, il appartient à l’Histoire : c’est l’ennemi politique contre lequel on doit mener une lutte implacable.

« Depuis le début, j’ai souhaité – et je souhaite toujours – le plus complet écrasement de l’Allemagne. Je suis inspirée non seulement par l’amour de la patrie, mais par mon souci des “ démocraties occidentales L’Allemagne par ses nouveaux moyens de mener la guerre provoque chez l’être humain l’indignation et la répulsion. »

Le « clou » de la revue est sans contredit l’article de A. Potriesov. « L’Internationale est en ruines. Non seulement les gouvernements sont en lutte, non par peur, mais par conscience, mais aussi les peuples et, en tête, le peuple des travailleurs. Qui a brisé le monde des masses laborieuses et démoli leur unité ? », demande l’auteur. « Le cours des événements donne la réponse indiscutable et claire : l’idée de patrie. » Mais cette idée qui a réduit « l’Internationale en ruines » est trompeuse ? Pas du tout, au contraire. « Le prolétariat peut perdre beaucoup : son capital de travail et de luttes… » Et voici les conclusions concernant la Russie : « Nous n’avons pas encore de patriotisme en tant que sentiment de masses, c’est pourquoi gagner la Russie au patriotisme c’est aussi œuvrer pour l’Europe… » Le citoyen patriote offrira (il faudra !) sa vie sur l’autel de la patrie ! (que le lecteur nous pardonne, mais comment ne pas s’écrier « comme ils écrivent bien les hobereaux de Koursk ! »). Et voici l’appel vibrant de la conclusion : « A travers le patriotisme (il n’y a pas d’autre chemin), nous marchons vers le royaume international de la fraternité et de l’égalité ! »

Ivan Koubikov (un ouvrier, non sans quelque renom) écrit sur « la classe ouvrière et le sentiment national ». Il reconnaît que « parmi les socialistes de tous les pays, on trouve des Südekum qui déshonorent la grande idée de l’Internationale ». « Mais l’amour de la patrie n’est pas un vain mot (page 27). » « Seuls de purs nihilistes peuvent prétendre que les masses ne se sentent pas concernées par la perte de 18 provinces. » Plus loin, Koubikov recourt à la forme poétique : « Aie pitié de la patrie en larmes et en loques ! » Nous voyons que les ouvriers de Pétrograd ne sont pas plus piètres écrivains que les hobereaux de Koursk…

Masslov répète que l’Allemand menace le système douanier, par conséquent l’industrie, par conséquent le prolétariat : « Non seulement la bourgeoisie allemande mais les dirigeants de travailleurs allemands sont sur le chemin de la politique conquérante… Ces appétits qui ne visent qu’à détruire le bien-être des prolétaires des autres pays, ne peuvent s’éteindre que si l’on oppose à la politique conquérante de l’Allemagne une résistance décisive. »

K. Dmitriev écrit : « Le seul slogan possible actuellement de la démocratie russe est le suivant : par la défense de la patrie, nous protégeons le monde libre assurant en même temps les intérêts des peuples ayant signé un accord avec nous. »

Anne [Jordan] écrit : « Tous les Partis marxistes européens ont considéré la guerre sous l’angle du développement économique, c’est-à-dire qu’ils sont restés sur le terrain du Marxisme. Mais (écoutez !) comme chacun d’entre eux a jugé son pays en état de défense, tous, croyant au rétablissement de l’Internationale, ont pris les armes ! » Comme Anne a jugé que son pays était attaqué (il est clair que la défense de la Russie en Arménie et en Perse n’est pas encore terminée), se soumettant « au rétablissement de l’Internationale », Anne a appelé aux armes.

V. Volsky se soulage sur un quelconque député de gauche qui demandait : « Qu’attendez-vous, vous autres, partisans de l’autodéfense, de la classe ouvrière ? Le travailleur ne se surmène-t-il pas dans les usines, dans les manufactures, ne supporte-t-il pas le poids de cette guerre, ne meurt-il pas sur les champs de bataille ? ». Voici la réponse de Volsky : « Il ne suffit pas de peiner et de mourir en exécutant des ordres. » Il faut consacrer à sa tâche « toutes ses forces non seulement physiques, mais encore intellectuelles et morales ». Autrement dit : on se f… pas mal de ce que le prolétaire sacrifie son corps au militarisme… Nous exigeons aussi son âme !

E. Maievsky et V. Lévitsky écrivent ce à quoi ils se sont condamnés jusqu’à la fin de leurs jours : « sur les problèmes généraux de la nation ». « La bourgeoisie est dans l’impasse, nous affirme Maievsky, – sa plus récente découverte ! – . La démocratie des travailleurs, dans l’intérêt de la défense du pays, doit tirer l’opposition bourgeoise de cette situation… » Lévitsky insiste encore : « Le mouvement qui se pose le problème de résoudre les questions omni-nationales touchant des classes diverses, réclame une immense assistance civile et est le seul capable de sortir la Russie des difficultés, tant intérieures qu’extérieures, où elle s’est “ fourrée ”. »

A. Bibik explique que : comme les Junkers se sont fait obéir des socialistes allemands, « arme docile des Junkers prussiens », voici la manière dont il faut aller à leur rencontre : « ni vêtu de blanc ni les palmes à la main » (le Junker russe conseille à tous les partisans de Bibik de se vêtir comme ils l’entendent et de s’armer, selon leur goût, de palmes ou de fusils). Ensuite Bibik nous fait savoir « qu’une écrasante majorité des émigrés russes en Belgique et en France sont sous les armes ». Certes le « Hamlétisme » sévit encore en Russie mais la pensée de notre travailleur collectif a achevé de tracer le cercle : le travailleur russe a, lui aussi, une Patrie et cette Patrie se trouve en danger. Quel travailleur a tracé le cercle ? Bibik ne nous le dit pas. Rappelons que le Secrétariat pour l’Étranger de l’O.K., écrivait : « Ce Bibik…, un des travailleurs les plus connus de l’aile mencheviste… Son passage sur l’autre bord à cause de la “ défense ” ne peut rester sans effet » (L’Internationale et la guerre, page 128).

Enfin, apparaît le douzième, V. Lvov-Rogatchevsky, qui exige que « la défense du pays enflamme des millions de cœurs et éveille le sentiment du lien filial avec la patrie… ». Le dernier des apôtres clame : « Debout, homme pacifique ! Debout, au nom de la patrie en danger ! »

Quand on lit ces phrases tantôt prophétiques, tantôt officielles, on considère avec condescendance la phraséologie des sociaux-patriotes français. Jetant d’une épaule à l’autre un fusil – entre parenthèses jamais chargé - – Hervé s’écrie : « Frères socialistes, syndicalistes et anarchistes, la Patrie est en danger ! La Patrie de la Grande Révolution Française est en danger ! » Ça, c’est du « son » ! L’acoustique politique ne s’en offense pas.

Potriessov a beaucoup aiguisé sa plume… il n’en sort que « Le patriotisme… le citoyen… “ il faudra… ” autel de la patrie… “ Il faudra… ” » Ce ne sont pas deux mots simples, mais l’expression géniale du patriotisme ! Ce n’est pas une phrase, mais une ouverture !

Et quand Lvov-Rogatchevsky s’écrie d’une voix tonitruante : « Debout, homme pacifique, etc. », nous voyons derrière lui une silhouette l’interpellant ainsi : « Hep ! mon vieux, tu es bien gentil mais ne hurle pas comme cela en vain : “ Il faudra ”. Nous-mêmes, nous nous chargeons de les réveiller ! »

2. L’apprentissage du Patriotisme

Le social-patriotisme, comme chaque nationalisme, acquiert des traits messianiques, c’est-à-dire qu’il est plus ou moins convaincu que sa nation est « élue » et que, par conséquent, son prolétariat l’est également.

Les sociaux-patriotes allemands défendent non les Hohenzollern, mais une énorme organisation de production et un puissant organisme de défense de la classe ouvrière. Ces deux choses sont les conditions absolues du passage au Socialisme. Les socialistes français et anglais défendent non les Bourses et les colonies, mais l’héritage de la Révolution : le Parlementarisme, la République, en un mot la Justice ! La situation des sociaux-patriotes russes est plus difficile. Les prétentions de la Russie à une primauté historique ne peuvent se fonder dans les domaines économique, politique et idéologique sans un recours à l’Apocalypse. Maintenant les théoriciens du social-patriotisme russe trouvent les arguments les plus spécieux pour faire valoir que la Russie a l’exclusivité sur toutes les sortes possibles de messianisme. « Le fait même… l’accroissement de l’internationalisme parmi les ouvriers russes… un fait incroyable après tout ce qui s’est passé chez les travailleurs occidentaux », écrit V. Zassoulitch.

Potriessov déclare : « Je ne crois pas à cet internationalisme de l’Est qui aurait dû s’épanouir et sauver l’honneur du Socialisme, alors que l’Occident s’affaiblissait et tombait dans le péché. Je regarde avec suspicion ces propagandistes de l’Est, apportant leurs esprits illuminés à l’Europe pécheresse… », etc.

C’est dans cette voie que se dirige la pensée critique de Masslov. I! parle avec dédain de « quelques socialistes de Russie et de Serbie qui réprouvent les classes ouvrières de France, Belgique, Angleterre, Australie, etc. Ils ont une expérience politique et socialiste colossale, et cependant on dirait que la bourgeoisie les pousse sur le mauvais chemin ».1

Quand les socialistes de France ou d’ailleurs veulent justifier l’appui qu’ils apportent au militarisme, ils l’expliquent par la nécessité de défendre la nation qui est « le flambeau du monde ». Quand les socialistes révolutionnaires russes refusent leur aide au militarisme, les sociaux-patriotes leur disent : « Vous voudriez être plus intelligents que les Français et même les Australiens ?… Que diriez-vous de participer à… au “ flambeau du monde ? ” »

Si les socialistes occidentaux ont besoin de « messianisme » pour masquer leur faillite, nous, socialistes russes, n’y avons aucun droit et ne cherchons pas à pasticher nos « frères » d’Occident. Cela démontre bien que la fierté nationale atteint les mêmes buts que l’abaissement national. Bien que Potriessov et Masslov sachent fort bien que nous ne sommes pas « en avance » au sens culturel, ils exigent que nous nous mettions au même rang que les sociaux- patriotes « alliés ».

V. Zassoulitch se plaint de ce que le citoyen russe ordinaire, comme aux plus beaux jours de Chédrine, confonde son petit horizon avec la patrie. Mais cette description de la sauvagerie russe où le « petit horizon » dévore la patrie, n’empêche pas Madame Zassoulitch de soupirer : « Je souhaite et continue de souhaiter l’écrasement total de l’Allemagne. » Ce n’est pas qu’elle ait juré, à l’instar du député cosaque Karaoulov, de ne conclure la paix que sur les ruines de Berlin et les os de Guillaume… non ! dans sa bonté, V. Zassoulitch épargne Berlin, mais c’est parce qu’elle croit que la défaite allemande rendra un immense service (et à l’Allemagne même) « à cet avenir vers lequel tend le prolétariat ».

Il ressort de tout ceci, Monsieur Potriessov, que notre brave citoyen est appelé à sauver l’Europe, non pas le citoyen révolutionnaire qui ne distingue pas la patrie de son petit horizon, mais celui dont le sauvetage de l’Europe coïncide avec ses vues sur son petit horizon. Potriessov qui a revêtu la perruque de « l’occidentaliste » enragé (je suis optimiste pour l’Occident et pessimiste pour l’Orient), amorce son virage vers sa nouvelle orientation social-patriote sous la pression du militarisme prussien. Il insiste sur la nécessité de lui briser les cornes sous l’effet des forces combinées des démocraties occidentales et… de notre brave citoyen… oriental. Tous ces auteurs de « Auto-défense », occidentaux en perruques, menacent du doigt dédaigneusement les internationalistes russes qui ont déclaré la guerre à la politique de Guesde, de Vandervelde et de Henderson, etc., y compris certains « australiens ». Demain si l’Amérique entre en guerre, ils s’écrieront : « Regardez donc ces révolutionnaires qui vont prendre une bonne leçon de Gompers ! »

Une autre fois, nous regarderons jusqu’à quel point l’Internationalisme russe enferme en soi des traits « messianiques » et par quelles particularités ces derniers deviennent illégaux historiquement et dangereux politiquement. En vérité, il faut une vivacité d’esprit idéologique peu commune, pour ne pas dire la déloyauté politique d’un « intellectuel », pour se déclarer « optimiste pour l’Occident et pessimiste pour l’Orient », pour accabler les internationalistes et en même temps bénir cet Orient plein d’amour du Christ comme un facteur de progrès dans le développement de l’Occident. Pfui, Teufel ! Au Diable : s’expriment les Allemands en de telles occasions, ceux d’entre eux qui ont conservé un sentiment de pudeur.

*

Mais quelle place objective occupe dans l’Histoire l’Internationalisme des cercles ouvriers en Russie ? Les auteurs de « Autodéfense » – ils ne sont d’ailleurs pas les seuls – le considèrent comme un produit du retard social. Suivant Masslov, il n’est qu’un élément de transition destiné à être remplacé par le national-patriotisme. Seulement, sur la base de la connaissance patriotique, pourra-t-on construire une politique active de solidarité internationale ? Selon Potriessov, « l’Internationalisme est le développement lointain du patriotisme ».

De telles conceptions frappent plus loin qu’il ne le semblerait à première vue. L’internationalisme apparaît comme « le développement du patriotisme, dans la mesure où le socialisme serait le développement lointain du libéralisme ». En pure logique, on pourrait « concevoir » de « construire » l’Internationalisme comme un élargissement du patriotisme à toute l’humanité. Mais historiquement le Socialisme et l’Internationalisme procèdent du libéralisme par le chemin patriotique du refus révolutionnaire étendu à la lutte des classes. Si Masslov et Potriessov tiennent l’Internationalisme pour une maladie, une immaturité ou un réflexe dû à un état arriéré, c’est parce que pour eux le caractère indépendant du mouvement ouvrier russe est une anomalie et toute la Social-démocratie russe, telle qu’elle s’est formée politiquement à l’époque de la Révolution, leur semble être un avortement historique.

« Dans l’égalité d’humeur du citoyen auquel la perte de dix provinces est indifférente, nous sommes (Potriessov) enclins à y constater le suprême bon sens politique du plus récent citoyen du monde. » Pour un pareil personnage si peu intéressé par la géographie, le programme de Milioukov doit sembler être un grand pas en avant. Aussi notre auteur peut dire avec justesse : « Élever la Russie jusqu’au libéralisme, c’est l’élever jusqu’à l’Europe. » Cela signifie simplement que la Social-démocratie s’est trompée dans ses calculs, naissant un quart de siècle plus tôt que prévu par la feuille de route de Potriessov. Le graphique prévisionnel – de l’indifférence semi-stupide à l’Internationalisme socialiste en passant par le libéralisme (patriotisme) – est théoriquement juste dans le sens où le graphique prévisionnel économique suivant est juste : de l’atelier à l’usine en passant par la manufacture. Ce dernier schéma dépeint à merveille le développement économique européen. Mais si on tente de l’appliquer à la Russie, on le rejette avec désespoir. Le développement économique russe se révèle être faux ! L’usine européenne avait déjà envahi la Russie, alors que le « développement » de celle-ci n’en était pas encore au stade de la manufacture, même pas à celui de l’atelier européen.

Il est compréhensible qu’avec un tel retard, l’industrie russe se caractérise par sa forte concentration. De là découlent des conséquences politiques et sociales importantes pour la destinée de ce citoyen dont Potriessov veut être le théoricien. Si ce citoyen est un ouvrier, il s’arrache de sa torpeur bornée karataiévienne, non sous l’effet des principes du libéralisme, mais sous celui de l’exploitation de l’employeur. Avant de s’intéresser, comme il devrait le faire, à la carte de Russie, l’ouvrier aura eu le temps de se nourrir de la haine de sa classe envers les exploiteurs. Les premiers pas faits, l’antagonisme de classes éveillé et aiguisé empêchera notre homme de faire plus ample connaissance avec cette carte qu’il aurait dû peindre aux couleurs du patriotisme.

Le Capitalisme russe s’est élevé aux dimensions européennes sous forme de gigantesques trusts, unissant des entreprises géantes pourvues d’une technique dernier cri, et Masslov ne leur suggérer pas de faire retour à la manufacture du siècle dernier même si nous possédons encore une agriculture mal exploitée et un pitoyable artisanat. Par contre si le prolétaire russe s’élève au niveau européen à l’aide de l’Internationalisme révolutionnaire, Potriessov entreprend de l’éduquer en ces termes : « Reconnais que Tu es ignare, et va à l’école du patriotisme ! » Il ne fait que reprendre le vieux slogan de Pierre Struve

Mais le contenu politique des deux appels est bien différent. Struve appelait directement P « Intelligentsia » marxiste à passer dans le camp de l’opposition libérale qui effectuait alors ses timides premières sorties « hors-classe ». En 1916, en pleine guerre, Potriessov invite les travailleurs socialistes à joindre le camp de l’opposition patriotique commandée par le capitalisme impérialiste.

L’aile révolutionnaire de 1’ « Intelligentsia » marxiste fut capable de répondre, il y a 15 ans, à l’appel de Struve par « F… le camp ! » Nous sommes d’avis que les travailleurs révolutionnaires répondront de même aux exhortations de Potriessov.

1 Nous tenons pour supérieures les formules masloviennes, car le gros fil blanc y est nettement visible. Quand avons-nous prétendu, nous marxistes russes, que la politique du prolétariat en Angleterre et en Australie était un exemple d’indépendance de classe ? Au contraire, n’est-ce pas Masslov qui a répété sans cesse que le prolétaire anglais était sous la coupe de la puissante bourgeoisie ? Le silence observé au sujet de l’Allemagne est encore plus maladroit et déloyal : car la politique suivie par le prolétariat allemand a toujours été considérée comme plus mûre par les marxistes russes.

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