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Léon Trotsky 19160827 « La lutte pour le pouvoir »

Léon Trotsky : « La lutte pour le pouvoir »

[Naché Slovo, No. 197, 27 août 1916. Léon Trotsky : La Guerre et la Révolution. Le naufrage de la II” Internationale. Les débuts de la IIIe Internationale. Paris 1974, pp. 186-187]

Dans un entretien avec des représentants de la haute administration, le maire de Moscou, Tchelnokov, a exprimé, d’après les journaux russes, l’opinion « que le cabinet actuel a toutes les données pour promouvoir des réformes de caractère général. Ce cabinet conservateur doit accomplir des réformes libérales. Si l’on avait affaire à un ministère libéral, on exigerait de lui tant de mesures qu’il ne réussirait pas à les prendre. Mais si le cabinet conservateur en prend ne fût-ce qu’une partie, il mériterait la confiance tant du côté de l’opinion générale que de celui des cercles politiques dirigeants. » C’est le compte-rendu donné par les journaux.

L’opinion avancée par Tchelnokov caractérise bien le ministère Sturmer-Makarov qui est, par ailleurs, assez éloquent par lui-même. Mais cette opinion caractérise encore mieux la ligne politique des cercles libéralo-capitalistes dont Tchelnokov exprime les sentiments.

Rien de plus facile que de démontrer le fantastique de l’affirmation de Tchelnokov. Mais il ne serait pas moins fantastique de faire la preuve de ce qui reste caché aux yeux de Tchelnokov. La duperie « volontaire » dont fait preuve ce dernier, ne découle pas de sa « naïveté » ou de son « incompréhension », mais au contraire de sa conviction d’allier les intérêts impérialistes à ceux du Pouvoir.

Les Tchelnokov savent très bien que la monarchie bureaucratique est incapable de sauvegarder leurs intérêts mondiaux, mais justement ils viennent à son secours avec tous les dons de leur intelligence professionnelle. Ils savent que la monarchie ne leur cédera pas la place, mais ils n’y prétendent pas : ils savent que, par la force même des choses, la monarchie devra céder certaines de ses prérogatives indispensables à leurs buts impérialistes. Bien sûr, ils protestent quand la bureaucratie vole trop ou maltraite leurs collaborateurs bourgeois, « les éducateurs », mais ces protestations ne parviendront jamais au stade de la rupture. Celle-ci entraînerait pour la bourgeoisie l’absolue nécessité de chercher un appui chez les masses laborieuses. Y croire, ce serait ne rien comprendre au processus qui se déroule sous nos yeux, processus d’alliance entre la monarchie bureaucratique, la noblesse propriétaire de terres et le grand capital.

En propageant des illusions au sujet de Sturmer etc…, Tchelnokov continue de servir les intérêts fondamentaux de sa classe dans les conditions de la guerre actuelle. Se faisant des illusions sur les Tchelnokov et les futures « luttes pour le pouvoir », les opportunistes du mouvement ouvrier livrent les prolétaires, pieds et poings liés, à la bourgeoisie.

Une seule ressource : Notre clef « nationale » pour le problème de l’Internationalisme et du social-patriotisme.

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