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Léon Trotsky 19170319 Le conflit grandissant

Léon Trotsky : Le conflit grandissant

(Les forces internes de la révolution)

[Novy Mir, No. 940, 19 mars 1917. Léon Trotsky : La Guerre et la Révolution. Le naufrage de la IIe Internationale. Les débuts de la IIIe Internationale. Tome deuxième. Paris 1974, pp. 289-290]

Un conflit entre les forces de la révolution, à la tête desquelles se trouve le prolétariat urbain, et le libéralisme bourgeois antirévolutionnaire est inévitable. On peut, évidemment, – et à cela le bourgeois libéral et le social-traître s’y emploient activement – accumuler les grands mots sur la prédominance de l’unité nationale par rapport à la séparation des classes. Mais personne n’a encore réussi à écarter par des conjurations les contradictions sociales et à stopper le développement naturel de la lutte révolutionnaire.

L’histoire des événements qui se déroulent actuellement ne nous est connue que par des échos et des remarques filtrant à travers les télégrammes officiels. Il nous faut attirer l’attention sur deux points qui vont opposer le prolétariat révolutionnaire et les libéraux.

Le premier conflit a été provoqué par la question de la forme du gouvernement. Le libéralisme a besoin de la monarchie. Nous observons dans tous les pays qui mènent une politique impérialiste, l’accroissement extraordinaire du pouvoir personnel. Le roi d’Angleterre, le Président français et récemment le Président des U.S.A. ont pris entre les mains une grande partie du pouvoir. La politique des conquêtes mondiales, des pourparlers secrets, des trahisons ouvertes, exige l’indépendance vis-à-vis du Parlement. D’un autre côté, la monarchie constitue une aide précieuse pour les libéraux en lutte contre la mentalité révolutionnaire du prolétariat. En Russie, ces deux causes agissent avec une plus grande force que nulle part ailleurs. La bourgeoisie russe considère qu’il est impossible de refuser le suffrage universel, car ce refus « braquerait » les masses contre le Gouvernement Provisoire et donnerait la prédominance à l’aile la plus décidée du prolétariat. Même le monarque « en réserve », Michel Alexandrovitch, comprend l’impossibilité de s’approcher du trône, autrement que par la voie du « droit de vote, égal pour tous, direct, général et secret ». Il est d’autant plus important pour la bourgeoisie de se constituer un contre-poids contre les profondes exigences social-révolutionnaires des masses laborieuses. Elle compte faire résoudre la question par la prochaine Assemblée Constituante. Mais, en réalité, le gouvernement et le ministère octobriste et Kadet transforment le travail préparatoire à l’établissement de la Constituante en une lutte en faveur de la Monarchie contre la République. Le sort de la Constituante dépendra énormément de celui qui la convoquera et de la manière avec laquelle il la convoquera. Par conséquent, le prolétariat doit, dès maintenant, opposer ses organismes de combat à ceux du Gouvernement Provisoire. Dans cette lutte, le prolétariat, groupant autour de lui les masses laborieuses, doit avoir comme but essentiel la prise du pouvoir. Seul, un gouvernement prolétarien a la volonté et la capacité, même pendant les préparatifs de la Constituante, de procéder à une épuration radicale et démocratique dans le pays, de réformer l’armée, d’en faire une milice révolutionnaire et de démontrer aux paysans que leur salut ne peut venir que d’un régime ouvrier révolutionnaire. Une telle tâche mobilisera les forces créatrices du pays et sera l’arme principale dans le développement ultérieur du conflit.

La seconde question qui doit opposer implacablement le prolétariat révolutionnaire au libéralisme, est l’attitude envers la guerre et la paix.

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