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Léon Trotsky 19170306 Rien de commun avec « Vorwärts »

Léon Trotsky : Rien de commun avec « Vorwärts »

(Lettre à la rédaction)

[Novy Mir, No. 928, 6 mars 1917. Léon Trotsky : La Guerre et la Révolution. Le naufrage de la IIe Internationale. Les débuts de la IIIe Internationale. Tome deuxième. Paris 1974, pp. 263-264]

Voici le texte de la lettre que j’ai envoyée à la gazette juive, Vorwärts :

Messieurs les Rédacteurs,

Quand j’ai accepté votre proposition de publier dans les colonnes de votre journal mes opinions sur la position internationale du Socialisme, je me rendais parfaitement compte de toute la profondeur de nos différences de position. Il est vrai que mon ignorance de la langue juive me prive de la possibilité de suivre systématiquement tout ce que publie Vorwärts. Mais mes compagnons politiques m’ont fait connaître assez souvent le contenu de vos articles, et j’ai pu en déduire votre orientation et vos buts. C’est pour cela que j’ai accepté, il y a quelques semaines, votre proposition en partant du fait que le Socialisme américain vient de vivre — avec retard, il est vrai — une période de « discussions » sur les problèmes fondamentaux, rejetant les Partis socialistes européens en deux camps irrémédiablement opposés. Mais l’approche de la guerre entre les U.S.A. et l’Allemagne a brutalement changé la situation. Il s’agit actuellement de politique de combat et non plus de discussions. La rédaction de Vorwärts, après la « révélation » de la lettre de Zimmerwald1, a appelé le prolétariat juif (« au cas » où la révélation serait confirmée) à la lutte « jusqu’à la dernière goutte de sang » pour la soi-disant Patrie.

Je pense, d’accord avec la déclaration du Comité Civil de New York de notre Parti, que, sous le nom de Patrie, figure le droit sacré pour les marchands de canons milliardaires d’arracher encore d’autres milliards au sang des peuples d’Europe. Je pense que si p-le prolétariat américain est prêt à verser son sang, c’est contre la « Patrie » impérialiste et non pour la défendre. Cela signifie que nous nous tenons du côté opposé de la barricade. Dans ces conditions, ma collaboration, même très provisoire, ne peut que jeter le doute dans l’esprit de vos et de mes lecteurs en faisant supposer que nous puissions avoir des idées communes. Je vous prie, donc, de stopper la publication de mes articles et de me retourner les manuscrits en votre possession.


1 Cette « révélation » était faite dans un esprit anti-allemand.

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