Léon
Trotsky : Lettre à Alfred Rosmer
[Alfred
et Marguerite Rosmer - Léon Trotsky : Correspondance
1929-1939,
Paris 1982, pp. 202-203,
voir des
annotations
là-bas]
Coyoacán,
le 26 mai 1937
Cher
ami,
Je
réponds à votre lettre du 24 mai 1937.
Je
fus moi-même bien gêné par lia nécessité de m’expliquer sur
mon livre de 1903 ou 1904, sur mes divergences avec Lénine et sur
d’autres questions bien éloignées des procès de Moscou. Mais ce
sont les commissaires qui ont posé les questions. Ils ont reflété
ainsi
l’état de l’opinion publique désorientée et abusée par les
stalinistes. Votre participation à la Commission sera surtout
précieuse pour éclaircir toutes ces questions. L’édition
anglaise de La
Révolution défigurée, mais
beaucoup plus ample, devait paraître aux Pioneer Publishers depuis
un mois. C’est Shachtman, l’editor,
qui en a retardé la parution. Il faudrait que vous insistiez auprès
de lui pour faire sortir le livre aussitôt (sic)
que possible. Il sera très utile à la Commission pour
l’éclaircissement des falsifications concernant la période
1903-1924. J’espère que ce livre, appuyé par vos commentaires
oraux, mettra la Commission dans la bonne voie.
Nous
n’avons rien reçu de Marguerite concernant le voyage projeté.
Nous serons bien heureux de vous avoir ici tous deux. La maison n’est
pas si grande qu’à Prinkipo, mais on pourra tout de même
s’arranger. Si la Commission est ajournée jusqu’en septembre, ne
pourriez-vous pas venir ici dans l’intervalle et Marguerite aussi ?
Je
me réjouis beaucoup de la bonne impression produite sur vous par le
meeting de New York. Nos yankees ont fait un travail excellent.
Cependant, je crois que maintenant ils ne font pas tout le nécessaire
dans les milieux ouvriers, en consacrant tous leurs efforts aux
milieux libéraux et démocrates. Autant que je sache, ils n’ont
pas réussi à créer autour de la Commission une ambiance ouvrière,
même restreinte. C’est pourquoi ils essaient de faire sur la
Commission une pression purement personnelle. Mais des tentatives
pareilles ne donnent pas les résultats nécessaires et enveniment de
temps en temps l’atmosphère. La pression de la base est toujours
plus acceptable, moins irritante que la pression directe des sommets.
Dites-nous
quelques mots sur votre santé et sur celle de Marguerite. Quant à
moi, je suis un peu fatigué. J’ai même voulu aller en vacances à
la campagne. Mais ce plan n’est guère réalisable. Je me décide
donc de rester ici avec un travail un peu réduit. Notre
correspondance peut donc se poursuivre régulièrement. Je ne
pourrais naturellement désirer une meilleure liaison avec la
Commission.
Natalia
et moi vous saluons chaleureusement.