Léon
Trotsky : Lettre à Alfred Rosmer
[Alfred
et Marguerite Rosmer - Léon Trotsky : Correspondance
1929-1939,
Paris 1982, pp. 206-208,
voir des
annotations
là-bas]
Coyoacán,
le 12 juin 1937
Cher
ami (Rosmer)
J’apprends
par une lettre de LaFollette que la sous-commission va travailler
pendant les mois de juillet et d’août. C’est excellent et cela
m’explique un peu pourquoi vous ne dites rien dans votre dernière
lettre sur la question de votre voyage éventuel à Mexico. Je ne
sais pas dans quel ordre va procéder la sous-commission, mais je me
permets dans cette lettre absolument privée de faire une suggestion.
Avec les derniers documents et témoignages présentés à la
Commission de Paris et déjà reçus ici, le fait que L. Sédov n’a
pas été à Copenhague est démontré avec une certitude absolue. Il
me semble que la sous-commission pourrait bien commencer par ce fait
concret, qui a une valeur immense, pour le premier procès au moins,
et aboutir à la conclusion qui découle inévitablement des
documents. La sous-commission pourrait bien publier sur cette
question spéciale sa conclusion ou le projet de conclusion à
présenter à la Commission plénière. L’avantage de ce procédé
est évident : a)
L. Sédov serait dégagé et sa situation en France deviendrait moins
menacée ; b)
l’opinion publique pourrait se concentrer sur un point précis,
avant d’approcher
d’autres problèmes aussi précis : c) les stalinistes seraient
forcés de faire front dans une question où la falsification est
absolument évidente.
De
la même manière la sous-commission pourrait entamer et liquider les
deux autres « alibis » : mes prétendues rencontres avec Romm et
Piatakov. Je crois que l’éclaircissement de ces trois questions
devrait précéder l’analyse des questions plus générales; sinon
on risque de se perdre dans le vague.
Ce
procédé n’exclut pas, mais, au contraire, présuppose la création
parallèle (c’est-à-dire dès le commencement de juillet) de «
sous-sous-commissions », de commissions purement techniques (par
exemple, pour l’examen du sabotage dans l’industrie chimique,
etc., etc.) pour préparer les matériaux pour la session de la
sous-commission au mois d’août.
Il
y a une autre question qui me préoccupe beaucoup. Personne à New
York ne connaît suffisamment les documents, leur origine, leurs
rapports mutuels, etc. La sous-commission peut être étouffée par
l’abondance et la multiplicité de la documentation. Il faut
quelqu’un qui puisse donner sur place toutes les explications
nécessaires, puisqu’il y a peu d’espoir que l' «
accusé » puisse être présent déjà pendant les travaux de la
sous-commission. Je ne vois que deux personnes qui puissent le
remplacer : Jan Frankel et Jean van Heijenoort. Le voyage de l’un
d’eux à New York avant même l’ouverture de la session de la
sous-commission me paraît donc absolument nécessaire. Il y a la
question finances. Mais la somme n’est pas si importante pour
présenter un grand obstacle. Quel est l’avis de la sous-commission
sur cette question ?
Dans
une lettre de LaFollette à Frankel les témoins à entendre à New
York sont énumérés. Mais dans cette liste je ne trouve pas Sara
Weber, Spector, Paine et Sterling.
Contrairement
à ce que vous admettez, nous n’avons reçu aucune lettre de
Marguerite. La lettre se serait-elle égarée ? Je reviens à la
question : où en est votre plan primitif de venir à Mexico ?
Je
suis en train de terminer mon livre pour Grassets
: encore deux ou trois jours de travail. Je prendrai peut-être
ensuite un court congé.