Léon
Trotsky : Lettre à Alfred Rosmer
[Alfred
et Marguerite Rosmer - Léon Trotsky : Correspondance
1929-1939,
Paris 1982, pp. 193-195,
voir des
annotations
là-bas]
Coyoacán,
le 12 mars 1937
Cher
ami,
Je
vous remercie pour l’envoi de la déposition inappréciable de K.
Legay. J’en ferai emploi dans mon livre et nous l’avons déjà
envoyé au Comité de New York. Ne pourrait-on pas avoir la même
déposition, mais signée des quatre voyageurs, avec les signatures
légalisées, et envoyée directement au Comité de New York pour la
commission d’investigation internationale ? Je sais bien que Vigne
et Legay ont des opinions bien contraires aux miennes, mais il ne
s’agit pas d’une déposition politique, ni d’une amitié de
tendance. Il s’agit de servir la vérité élémentaire et la
volonté de Legay de le faire est démontrée par son article
vraiment magistral.
Je
ne sais pas si Martinet et vous avez reçu les lettres que je vous ai
écrites de Sundby avant notre départ. Pour l’instant nous ne
pouvons pas nous plaindre. Nous avons une liberté d’action assez
large, en tant qu’il s’agit de combattre les amalgames
stalinistes. Cependant, on trame des intrigues contre nous de
différents côtés. Vous imaginez bien que Staline ne ménage pas
l’argent ; il s’agit pour lui d’une question de vie ou de mort.
On a gagné pour cette fin le correspondant du Times,
qui a écrit deux correspondances extrêmement louches. Je vous
envoie pour vous et pour d’autres amis une lettre concernant cet
épisode.
Vous
vouliez nous visiter en Norvège. Depuis nous avons changé
d’adresse. Mais le séjour au Mexique serait pour vous beaucoup
plus favorable, du point de vue santé, que la Scandinavie. Nous
sommes à 2 300 mètres, ce qui vous convient, autant que je sache,
tout à fait.
Malheureusement
le voyage coûte cher et tout le monde est devenu pauvre depuis la
grande crise. En tout cas, je dois vous dire que nous serions bien
heureux de vous voir à Coyoacán.
On
a parlé du voyage d’André Gide aux États-Unis et au Mexique.
Toledano a même écrit contre Gide deux articles aussi louches que
stupides. Mais je suis sûr qu’il serait bien accueilli maintenant
aussi bien à New York qu’ici, car, dans les idées et les
sentiments des intellectuels et des ouvriers, un grand remue-ménage
se produit sous le coup des procès de Moscou. Le monde a soif d’une
parole honnête et indépendante. Il n’est pas nécessaire de vous
dire que, pour ma part, je serais fort heureux de pouvoir faire la
connaissance de cet homme et écrivain remarquable.
Vous
êtes certainement bien au courant du rôle que joue actuellement
Malraux à New York. Je vous envoie ci-joint une déclaration que
j’ai donnée sur son compte.
Natalia
embrasse tendrement Marguerite. Je vous salue tous deux
chaleureusement.