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Léon Trotsky 19380304 Déclaration à Havas

Léon Trotsky : Déclaration à Havas

(4 mars 1938)

[Source Léon Trotsky, Œuvres 16, janvier 1938 – mars 1938. Institut Léon Trotsky, Paris 1983, pp. 251 f., titre : « Les Objectifs du Procès », voir des annotations là-bas]

Le procès actuel est bâti selon une méthode qui consiste à redoubler le caractère sensationnel des précédents procès. Cette grossière façon d’agir conduit l’accusation à l’absurdité complète, dans toutes les directions. Il s’avère que la vieille Garde du bolchevisme se trouvait entièrement au service d’États étrangers. A la tête du gouvernement (Rykov) et de l’Internationale communiste (Boukharine) il y avait des fascistes. En 1921, moi, membre du bureau politique et chef de l’Armée rouge, j’étais devenu un agent de l’Allemagne, qui se trouvait alors sur la voie de l’effondrement complet. Qui va le croire ?

Au sujet des déclarations antisoviétiques de Boutenko à Rome à la mi-janvier dernier, Litvinov a déclaré : ou bien il s'agit d’un imposteur ou bien ces déclarations ont été arrachées par la torture. C’est avec infiniment plus de raison que l’on peut dire : « Sur les bancs des accusés se trouvent les malheureuses ombres des anciens bolcheviks. Toutes leurs déclarations ont été extorquées par les méthodes de l’Inquisition. »

Les prétendues combinaisons internationales des prétendus conspirateurs sont adaptées rétroactivement à la conjoncture internationale actuelle. Moi et mes prétendus agents, nous mirions conspiré, dès 1921, avec l’Allemagne et le Japon, la Belgique et l’Angleterre. La France qui, jusqu’en 1934, était considérée comme le principal ennemi de l’U.R.S.S., n’entre pas dans cette liste, pas plus que les États-Unis. Le Kremlin épargne ses « amis ». On peut dire avec assurance que le nom de l'Angleterre a été rajouté au dernier moment, en accord avec la nouvelle orientation de Chamberlain. La grossièreté de la falsification, si caractéristique pour un régime totalitaire, saute aux yeux !

Une des plus importantes tâches du procès est de justifie: après coup l’exécution des neuf généraux qui secoua l’opinion publique mondiale en juin dernier. Les dépositions absolument mensongères de Krestinsky, Rosengolz et autres sur mes liaisons avec le maréchal Toukhatchevsky ne font que dévoiler de la façon la plus claire le caractère criminel de la décapitation dt l’Armée rouge.

La Sûreté nationale française sait parfaitement que je n’ai pu rencontrer Krestinsky en Italie en octobre 1933, car, le 9 octobre, au su de la police française, malade, je suis parti de Saint-Palais près de Royan, où je me trouvais depuis le 25 juillet, pour Bagnères-de-Bigorre, où je suis resté jusqu’au 1er novembre date de mon installation à Barbizon. Des preuves irréfutables de ces faits se trouvent dans les mains de la commission new-yorkaise du Dr John Dewey.

Le choix d’une date aussi malheureuse s’explique vraisemblablement par le fait qu’en octobre 1933, Krestinsky se trouvait réellement à Merano et, comme les déplacements d’un ambassadeur se font au vu et au su de la police des pays intéressés, le G.P.U. s’est trouvé contraint d’adapter mon calendrier au calendrier de Krestinsky. C’est exactement la même chose qu’avec le fameux avion de Piatakov parti de Berlin pour Oslo eu décembre 1935 !

La mise en scène de falsifications judiciaires sans cesse répétées démontre la force de la résistance que la dictature totalitaire rencontre dans les rangs de la bureaucratie elle-même Le régime de Staline est devenu le principal danger pour l’U.R.S.S, dans les domaines économique, moral et militaire.

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