Léon
Trotsky : Discussion sur la lutte contre la guerre
et l’amendement
Ludlow
(22
mars 1938)
[Source
Léon Trotsky, Œuvres 17, mars 1938 a
juin 1938.
Institut Léon Trotsky, Paris 1984, pp. 68-77,
voir
des
annotations là-bas]
Shachtman.
– Pour
résumer les discussions que nous avons eues au comité national, je
crois que le problème peut se résumer ainsi : il y a aujourd’hui
aux États-Unis un sentiment très important contre le danger de
guerre, non seulement dans la classe ouvrière mais aussi parmi les
éléments bourgeois : ce sentiment a été renforcé par la guerre
de Chine, l’incident du
Panay et
le budget militaire sans précédent de Roosevelt
ainsi
que par l’instabilité générale de la situation européenne. On
pense que les États-Unis vont plonger dans une guerre d’ici deux
ou trois ans.
En
ce moment précis, il ne fait aucun doute que 99 %, sinon plus, de ce
sentiment de masse contre la guerre est purement pacifiste. Cela se
comprend parfaitement. La position révolutionnaire sur la guerre est
confinée à des cercles très restreints de radicaux et de
marxistes. Notre problème consiste à mettre en avant en pratique
notre position fondamentale prolétarienne révolutionnaire, en
l’opposant à l’agitation pacifiste générale, et, en même
temps, de participer à un mouvement anti-guerre plus large, sinon
fondamentalement, du moins de façon prédominante, pacifiste, et
même patriotique d’un point de vue national. Le parti socialiste
et les lovestonistes ont maintenant réalisé une opération et ont
constitué ce qu’ils appellent un Comité pour garder l’Amérique
hors de la guerre. En substance, c’est le vieux mouvement de
Münzenberg
– La
ligue contre la Guerre, etc.
– sauf
que ses déclarations programmatiques sont beaucoup plus à droite.
Trotsky.
– Qui sont les dirigeants de ce comité ?
Shachtman.
– Norman
Thomas, Lovestone et Homer Martin
sont
ses porte-parole, mais je ne sais pas si Martin est membre de ce
comité. Il a fait un discours contre la guerre et en même temps un
discours patriotique. Ils ont aussi avec eux quelques généraux en
retraite, qui sont des isolationnistes. Jusqu’où ce mouvement se
développera, c’est difficile à dire. Tant qu’il reste aux mains
de ce comité, il ne repose sur aucune autre organisation. Ils sont
maintenant en train de préparer un congrès national.
Trotsky.
– Ce comité a-t-il aujourd’hui quelque influence ?
Shachtman.
– Non.
Il reflète les aspirations de l’Américain moyen contre la guerre
en Europe ou en Asie, contre l’envoi de troupes ailleurs, mais si
nous sommes attaqués, nous nous défendrons, etc. Nous avons eu par
exemple un problème tout à fait concret à Cleveland, où nous
avons un camarade très actif, Cochran. Le P.S. et les lovestonistes
organisaient un meeting de masse avec comme orateurs Charles Beard
et
Homer Martin. Le P.S. et les lovestonistes sont allés voir notre
camarade pour qu’il patronne ce meeting. Il nous a écrit pour nous
demander notre accord. Nous l’avons approuvé, mais sans
enthousiasme. Plus tard, dans nos discussions au comité politique,
nous avons changé d’avis, car ils avaient les orateurs, nous pas;
Cochran devait patronner, mais pas parler !
Cannon.
– Ce
n’est pas encore réglé; nous lui avons dit d’essayer de parler.
Shachtman.
– Mais
je ne crois pas qu’il parlera. Formellement le P.S. et les
lovestonistes n’ont pas d’autres orateurs.
Nous
avons adopté un programme sur la guerre dans lequel sont proposées
un certain nombre de revendications minimum. Sur cette base, nous
avons établi un modèle de résolution
à faire
adopter dans les syndicats et discuter partout.
Notre
position est très difficile, et je ne crois pas qu’aucun d’entre
nous la voit bien jusqu’au bout; il y a un grand danger à plonger
dans un soi-disant mouvement de masse contre la guerre
– pacifiste
par essence
– en
négligeant l’éducation révolutionnaire de l’avant-garde. Et
maintenant, ne pas entrer dans ce mouvement nous laisse
essentiellement sur une position propagandiste.
La
discussion sur l’amendement Ludlow, vous la connaissez déjà. Vous
avez vu les motions adoptées et celles qui ont été repoussées.
Cannon.
– Sur
la question du comité, voici comment il a été constitué : Norman
Thomas a invité chez lui une vingtaine de personnalités
– écrivains,
vieilles dames qui sont pour la paix, les lovestonistes et Liston Oak
– mais
aucun de nous. Oak a proposé que nous soyons invités, mais ils ont
refusé. Ils ont décidé un meeting où parleraient des gens comme
LaFollette
– vous
connaissez sa politique
– et
un général en retraite, et Thomas, et Wolfe pour les lovestonistes.
Quelques camarades pensaient qu’il fallait y aller. Nous ne l’avons
pas fait. Par essence, c’est une caricature de toute cette affaire
Barbusse. Ils mettent sur pied des comités
dans
les autres États
et veulent
tenir un
congrès
à Washington. Ils adressent leur appel aux citoyens, pas aux
travailleurs.
L’autre
aspect
de la question, c’est
l’amendement
Ludlow.
Le
comité
a pris position contre. Minneapolis a adopté une politique
différente
dans
le Northwest Organizer, et
Cochran à Cleveland est
contre
notre position sur cet amendement. Il a plus ou moins la même
position
que vous, bien qu’il ne soit pas au courant de votre lettre.
La
position du comité s’est un peu modifiée depuis, mais il reste
encore
beaucoup à éclaircir. Reste ensuite la question de savoir si nous
devrions présenter dans les syndicats des résolutions contre
la
guerre. Nous voudrions commencer à présenter une telle résolution
à Minneapolis, et à la populariser en tant que résolution de
Minneapolis.
Dunne.
– Nous
avons déjà adopté cette résolution.
Cannon.
–
La
voici. Nous espérons une critique soigneuse.
Trotsky.
–
Je
commencerai par l’amendement Ludlow comme question pratique qui
peut nous servir d’introduction à la question générale, de façon
concrète, il me semble. Je ne peux pas
être
d’accord avec la position du C.N., ni la première, ni la seconde,
celle qui a été proposée par Shachtman contre la motion de
Burnham,
et Gould, je crois, et adoptée par le C.N. Quand j’ai
parlé
de cette question à Cannon dans une lettre privée, je n’imaginais
pas,
à l’époque, que cette question deviendrait aussi importante
dans
la vie
des
États-Unis. C’est pourquoi j’ai seulement
formulé
ma position
dans cette lettre, sans
insister pour
que
l’organisation américaine reconsidère cette question. Mais
maintenant,
à
travers
la presse et surtout les camarades présents ici, j’ai appris que
cette question avait
connu
de nouveaux développements et qu’on peut là-dedans jouer un rôle
important, dans cette question importante en elle-même, mais qui a
aussi une valeur de symptôme pour notre politique en général.
La
déclaration du C.N. affirme que la guerre ne peut pas être arrêtée
par un référendum. C’est tout à fait juste. Cette affirmation
fait partie de notre attitude générale sur la guerre en tant que
développement inévitable du capitalisme, et selon laquelle on ne
peut changer la nature du capitalisme ou l’abolir par des moyens
démocratiques. Un référendum est un moyen démocratique, mais ni
plus ni moins. En réfutant les illusions sur la démocratie, nous ne
renonçons pas pour autant à cette démocratie tant que nous sommes
incapables de la remplacer par l’institution d’un État ouvrier.
En principe, je ne vois aucun argument qui puisse nous obliger à
modifier notre attitude générale vis-à-vis de la démocratie dans
ce cas d’un référendum. Mais il nous faut utiliser ce moyen comme
nous devons utiliser les élections présidentielles ou l’élection
de Saint-Paul : en combattant énergiquement pour notre programme.
Nous
disons : le référendum Ludlow, comme les autres moyens
démocratiques, ne peut arrêter les activités criminelles des
Soixante Familles qui sont incomparablement plus fortes que toutes
les institutions démocratiques. Cela ne veut pas dire que je renonce
aux institutions démocratiques, ou au combat pour le référendum,
ou au droit de vote à dix-huit ans pour les citoyens américains. Je
serais pour que nous commencions une campagne de ce type ; les gens
de dix-huit ans sont assez mûrs pour se faire exploiter, donc pour
voter. Mais ce n’est qu’une parenthèse.
Maintenant,
naturellement, ce serait mieux si nous pouvions immédiatement
mobiliser les ouvriers et les fermiers pauvres pour renverser la
démocratie et la remplacer par la dictature du prolétariat qui est
l’unique moyen d’éviter les guerres impérialistes. Mais nous ne
pouvons le faire. Nous constatons que de larges masses cherchent des
moyens démocratiques pour arrêter la guerre. C’est une question
qui a deux aspects : l’un est entièrement progressiste, c’est la
volonté des masses d’arrêter la guerre des impérialistes, leur
manque de confiance dans leurs propres représentants. Ils disent :
oui, nous envoyons des gens au parlement, mais nous voulons les
contrôler sur cette importante question, qui signifie vie ou mort
pour des millions et des millions d’Américains. C’est un pas
tout à fait progressiste. Mais il est lié à des illusions selon
lesquelles on ne peut arriver à cet objectif que par ce moyen. Nous
critiquons cette illusion. Quand le pacifisme vient des masses, c’est
une tendance progressiste, avec des illusions. Nous ne pouvons pas
dissiper ces illusions par des décisions a
priori,
mais seulement dans le cours de l’action commune.
Je
crois que nous pouvons et que nous devons dire ouvertement aux masses
: chers amis, nous pensons que nous devrions établir la dictature du
prolétariat, mais vous ne le pensez pas encore. Vous croyez que vous
pouvez tenir l’Amérique hors de la guerre par un référendum.
Qu’allez-vous faire ? Vous dites que vous n’avez pas suffisamment
confiance dans le président et le Congrès que vous avez élus, et
que vous voulez les contrôler par un référendum. Bien, très bien,
nous sommes d’accord avec vous qu’il vous faut décider
vous-mêmes. Le référendum en ce sens est une excellente chose et
nous le soutiendrons. Ludlow a proposé cet amendement, mais il ne se
battra pas pour lui. Il n’appartient pas aux soixante familles,
mais aux cinq cents. Il a lancé ce mot d’ordre parlementaire, mais
c’est d’une lutte sévère qu’il s’agit et seuls les ouvriers
peuvent la mener avec les fermiers, les masses – et nous
combattrons avec vous. Ceux qui vous proposent ces moyens ne veulent
pas se battre pour eux. Nous vous le disons d’avance.
Ainsi
nous devenons les champions de ce combat. A toute occasion favorable,
nous disons : cela ne suffit pas, les magnats de l’industrie de
guerre ont entre eux des liaisons, etc., nous voulons les contrôler
aussi ; il nous faut établir le contrôle ouvrier sur l’industrie
de guerre. Mais, sur la base de ce combat dans les syndicats, nous
devenons les champions de ce mouvement. Nous pouvons dire que c’est
presque une règle. Il nous faut avancer avec les masses, et pas
seulement répéter nos formules, mais parler de façon à ce que nos
mots d’ordre soient compréhensibles par les masses.
Le
plus grand exemple historique est celui du parti bolchevique russe.
Je vais le répéter, parce qu’il est significatif. Du début du
siècle à 1917 – pendant presque vingt ans – nous avons combattu
les soi-disant social-révolutionnaires ou populistes. Leur
propagande était en faveur de l’expropriation de la terre et de
son partage en lots égaux. Nous dénoncions ce programme comme
utopique. Nous disions que, sous le capitalisme, c’était
impossible et que, sous le socialisme, il s’agissait non de partage
mais de collectivisation. La lutte a duré pendant presque vingt ans.
Elle a revêtu une forme théorique en 1883 avec la création des
premiers groupes d’intellectuels marxistes de Plékhanov et Axelrod
et elle s’est aggravée encore en ce siècle. La ligne de
démarcation, c’était celle du programme agraire. En 1917, les
paysans ont adopté le programme des S.R. –
de
nombreux congrès l’ont adopté : expropriation du sol, partage
entre les paysans en lots égaux. Qu’avons-nous fait dans cette
situation ? Nous avons dit : vous ne voulez pas adopter notre
programme et, à la place, vous avez adopté celui des S.R. Il y a
là-dedans deux parties : l’expropriation du sol –
qui
est une mesure tout à fait progressiste, mais l’autre – le
partage en lots égaux – est tout à fait utopique. Mais vous
voulez faire cette expérience. Nous sommes prêts à la faire avec
vous. Nous vous disons seulement à l’avance que les S.R. ne sont
pas capables de réaliser leur propre programme. Que ce sont des
petits-bourgeois dépendant par conséquent de la grande bourgeoisie.
Ce n’est pas notre programme, mais nous vous aiderons à le
réaliser, ce programme qui est compliqué par des illusions !
La
situation est maintenant différente – ce n’est pas une situation
révolutionnaire. Mais la question peut devenir décisive. Le
référendum n’est pas notre programme, mais c’est un pas en
avant évident ; les masses démontrent qu’elles veulent contrôler
leurs représentants à Washington. Nous disons, c’est un pas en
avant que vous souhaitiez contrôler vos représentants. Mais vous
avez des illusions et nous les critiquerons. En même temps, nous
vous aiderons à réaliser votre programme. Ceux qui le patronnent
vous trahiront comme les S.R. ont trahi les paysans russes.
La
dernière résolution du C.N. sur cette question n’est pas juste.
Que nous voterions pour l’amendement Ludlow s’il fallait lui
assurer une majorité contre les staliniens, excusez-moi, mais c’est
tout à fait bureaucratique. Comment pouvez-vous dire à un meeting
de masse : nous allons nous mettre de côté et voir comment le vote
tourne. Les masses ne peuvent pas comprendre. Nous devons devenir les
champions de ce mouvement. Nous devons éditer des tracts et
expliquer entièrement notre position. Mais, dans les réunions
syndicales et à celles des fermiers, nous devons dire que nous
sommes les véritables champions du mouvement. Mais, comme pour le
Labor Party, il faut lier ce mouvement au programme concret, en
l’opposant à celui des Lovestonistes-Thomasistes. Je suis bien
d’accord que nous ne devons rien avoir à faire avec le comité
pour garder l’Amérique hors de la guerre. Mais sur cette question
non plus, il n’est pas possible
de
rester dans une opposition d’inactivité. Il faut étudier leur
programme
et le critiquer. Dans ce cas, le mot d’ordre le plus
compréhensible,
le plus progressiste, le plus révolutionnaire, est
celui
du contrôle ouvrier de l’industrie de guerre, puisque nous
savons
tous que c’est de la guerre qu’il s’agit. Nous disons :
ouvriers, vous êtes en train de développer l’industrie, non pour
les
progrès
de la patrie, mais pour les patriotes de guerre. Le contrôle de
l’industrie de guerre fait partie du contrôle de l’industrie en
général.
Ce
n’est pas une question américaine, c’est une question générale.
Je crois qu’il nous faut aussi examiner le mot d’ordre suivant
lequel nous ne sommes évidemment pas opposés à une guerre contre
des agresseurs, mais qu’elle doit être menée par une armée
d’ouvriers et de fermiers, sous le contrôle de syndicats, sous un
gouvernement d’ouvriers et de fermiers. Une telle armée n’aurait
pas d’objectifs impérialistes, mais si elle était attaquée, etc.
Ce programme, il faut l’examiner concrètement. Ce n’est pas une
question de « coopération américaine pour la paix
internationale
» mais de la coopération de la classe ouvrière américaine avec
les ouvriers des autres pays pour la paix. Je reviens à notre mot
d’ordre de transition, contrôle de l’industrie de guerre et
peut-être expropriation des soixante familles, en commençant par
celle de l’industrie de guerre.
Cannon.
–
Pensez-vous
que le programme syndical devrait contenir un point en faveur de
l’amendement Ludlow ? Car je crois aussi
que
si nous ne pouvons pas lancer directement le mot d’ordre de
l'expropriation
des industries de guerre, nous pouvons au moins lancer celui du
contrôle des industries de guerre.
Trotsky.
– Ces gens-là ne sont même pas de bons pacifistes. Ils disent :
nous ne voulons pas qu’on augmente l’armée, ni les armements. Et
ceux qui existent, c’est tout bien? Nous disons, nous, que l’armée
existante est une armée anti-ouvrière, et pour la
guerre.
S’ils étaient des pacifistes véritables ils devraient au moins
dire : « Supprimons l’armée ! »
Nous
voulons changer le caractère de l’armée, que les ouvriers et les
fermiers soient armés, qu’ils aient une formation militaire sous
le contrôle des syndicats – ce n’est pas pacifiste. Nous disons
contrôle ouvrier de l’industrie de guerre comme un pas vers leur
expropriation – ce n’est pas du pacifisme.
Cannon.
– Qu’entendez-vous
par gouvernement des ouvriers et des fermiers ?
Trotsky.
– On peut l’examiner de deux points de vue : en tant que chapitre
passé dans l’histoire de l’Amérique, on peut en discuter
seulement à titre d’hypothèse et pour l’éducation des masses.
De larges masses le comprendront dans un sens parlementaire
démocratique, mais nous essaierons de le leur expliquer dans un sens
révolutionnaire. Mais nous dirons de nouveau : vous ne voulez pas
l’accepter comme dictature du prolétariat et des fermiers pauvres.
Vous voulez voter pour des candidats ouvriers et paysans. Très bien,
nous vous aiderons. Si ces candidats sont élus, et s’ils ont la
majorité, prendrons-nous la responsabilité de leur programme ? Non,
non. Leur programme ne suffit pas. Voici le nôtre. Au Congrès, nous
serons une minorité. Mais nous commencerons à souligner la
nécessité non seulement de candidats indépendants, mais de
candidats avec un programme. Il est bien possible que, sous notre
influence, et celle d’autres facteurs, arrive un gouvernement John
Lewis, LaFollette et LaGuardia, et ils l’appelleront un
gouvernement ouvrier et « fermier ». Mais nous nous opposerons à
lui de toutes nos forces.
En
1917, nous avons dit aux ouvriers et aux paysans : vous avez
confiance dans les mencheviks et les S.R. – alors obligez-les à
prendre le pouvoir contre le capitalisme. C’était la façon
correcte d’aborder la question. Mais nous restions en opposition à
Kerensky. S’il avait rompu avec les capitalistes et s’était
allié aux mencheviks et aux S.R., nous serions restés en
opposition, mais ce gouvernement, pour nous, aurait constitué un pas
vers la dictature du prolétariat. Matériellement, nous n’avons
pas eu un tel gouvernement – mais, pour l’éducation des masses,
pour leur divorce avec les mencheviks et les S.R., ce fut très
important. Nous acceptions ce gouvernement contre la bourgeoisie, et
nous disions aux masses : si vous les obligez à prendre le pouvoir
contre le capitalisme, nous vous aiderons.
Shachtman.
– Comment
faites-vous la distinction entre votre soutien à l’amendement
Ludlow et notre position sur le désarmement, l’arbitrage
international, etc. ?
Trotsky.
– Ils n’ont aucun rapport. L’amendement Ludlow, c’est
seulement pour les masses un moyen de contrôler leur gouvernement.
S’il est adopté et intégré à la constitution, ce ne sera pas
quelque chose comme le désarmement, mais comme l’inclusion du
droit de vote à dix-huit ans. Je dirai : vous autres, les gars, vous
serez demain de la chair à canon, aujourd’hui vous devriez avoir
le droit de vote. Cela n’a rien à voir avec le désarmement
puisque j’apprendrai à ces jeunes, non le désarmement, mais la
défense révolutionnaire. C’est un moyen démocratique, ni plus ni
moins.
Cannon.
– Et
vis-à-vis de ce comité, est-il juste d’y adhérer ou d’y
manœuvrer,
mais
de l’attaquer directement ?
Trotsky.
– Oui. Les critiquer, les attaquer non seulement parce qu’ils ne
sont pas révolutionnaires, mais parce qu’ils ne sont pas
pacifistes. Ce sont des agents cachés de l’impérialisme. Oui, je
crois qu’il faut les attaquer sans pitié. Je crois que si l’on
regarde le programme de Bryan nous découvrirons qu’il était plus
radical avant-guerre. Puis il est devenu secrétaire à la Guerre.
Mais son programme était plus radical que ce comité.