Léon
Trotsky : Discussion sur le Labor Party
(21
mars 1938)
[Source
Léon Trotsky, Œuvres 17, mars 1938 a
juin 1938.
Institut Léon Trotsky, Paris 1984, pp. 45-62,
voir
des
annotations là-bas]
Cannon.
– Le
sujet d’aujourd'hui est le Labor Party, sous trois aspects : 1)
notre position générale de principe ; 2) le développement de la
Labor’s Non-Partisan League, c’est-à-dire le mouvement politique
du C.I.O. dans les syndicats qui montre à certains égards des
tendances à l’action politique indépendante, à la constitution
d’un parti, en d’autres endroits, comme New York, des tendances à
moitié dans ce sens, candidats ouvriers localement, soutien de la
coalition Républicains-Fusion et avec Roosevelt4
nationalement
; en d’autres endroits, ils soutiennent tous les candidats
capitalistes, surtout à travers le parti démocrate. 3) La question
se pose : nos camarades dans les syndicats doivent-ils rejoindre la
L.N.P.L; que devons-nous faire dans les syndicats quand nous y sommes
une petite minorité; devons-nous devenir les champions de la
L.N.P.L. ou nous tenir à l’écart dans une attitude critique ?
Nous n’avons pas une politique définitive – par exemple, au New
Jersey, nous expérimentons
– nous
avons poussé les syndicats à rejoindre la L.N.P.L. et là, soutenu
une motion pour la formation d’un parti. Ailleurs, nous n’avons
pas agi de cette façon. Comment devrions-nous nous comporter dans un
Labor Party plus ou moins développé comme à Minneapolis ?
En
principe, il apparaît que nous devrions condamner l’ensemble du
mouvement et nous tenir à l’écart, mais ce n’est pas une
politique très fructueuse. A Minneapolis, il existe une organisation
indépendante pleinement constituée, le Farmer Labor Party
qui
présente ses propres candidats dans l’État et soutient
nationalement Roosevelt.
Les
staliniens qui ont été chassés des syndicats ont pénétré
profondément dans la Farmer Labor Association
– et
cela constitue une arme contre nous dans les syndicats. Notre
politique là est celle du bloc entre les syndicats trotskystes et ce
qu’ils appellent les vrais « farmer-laborites », c’est-à-dire
les réformistes qui croient au F.L.P. et ne veulent pas qu’il soit
contrôlé par les staliniens. Jusqu’où pouvons-nous porter ce
bloc? Jusqu’où pouvons-nous combattre seulement pour le contrôle
de l’organisation ? Mais si nos gens restent à l’écart, les
staliniens prennent le contrôle. D’un autre côté, si nous
combattons vraiment énergiquement comme nous le faisons dans les
syndicats, nous devenons les champions du F.L.P. Ce n’est pas une
question simple. Il est très facile de se perdre dans la politique
réformiste.
Dunne.
–
D’abord
je voudrais dire que les staliniens, en contrôlant
l’appareil
du F.L.A. contrôlent plus que le seul appareil, ils
nous
rendent la vie difficile dans les syndicats. En ne participant pas
à ce
parti par nos liaisons syndicales, nous permettons aux staliniens
et
aux éléments les plus réactionnaires du F.L.P. d’avoir une
arme
contre nous dans le mouvement ouvrier. Nous avons une politique
précise
en ce qui concerne notre travail dans les syndicats. Nos
camarades
qui ont parlé pour le F.L.P. l’ont fait de façon très critique,
conseillant
aux syndicats de ne les utiliser que jusqu’à un certain
point,
et nous avons réussi à garder notre politique du réformisme. Mais,
comme l’a dit le camarade Cannon, c’est difficile
de
savoir jusqu’où on peut aller dans cette direction ; nous ne
prenons
pas la responsabilité pour le Labor Party et pourtant elle est
rejetée
sur nous par les ouvriers qui croient que nous pouvons lutter
efficacement
pour ses membres comme nous le faisons dans les
syndicats.
Jusqu’à présent, même l’offensive des staliniens contre
nous
n’est pas parvenue à les ébranler. Les staliniens, avec une
fraction
importante des intellectuels progressistes, sont en train de
transformer
de plus en plus le Labor Party en un bloc avec les candidats
démocrates et libéraux. A l’intérieur du F.L.P., les staliniens
s’efforcent de conserver le contrôle en établissant une
discipline formelle, avant tout contre nous. Nous avons combattu
cela,
exigeant
la démocratie dans le Labor Party et nous avons réussi.
Nous
n’avons absolument pas réussi à empêcher un bloc plus
étroit
avec le parti démocrate. Nous ne pouvons pas encore demander
aux
syndicats de soutenir le S.W.P. contre le F.L.P.
Cannon.
–
A
Saint-Paul où le F.L.P. a passé un accord pour soutenir
le
candidat capitaliste à la mairie, nous avons présenté notre
propre
candidat.
Trotsky.
– Pouvez-vous m’expliquer comment il a été possible qu’en
dépit du fait que les staliniens contrôlent une fraction
importante
de ce parti, il ait adopté une résolution contre
les
fascistes et les communistes ?
Dunne.
– Cela
n’est arrivé que dans une région. A certains endroits,
il
y a des
« farmer-laborites
» qui
travaillent avec nous
– 7
ils
contrôlaient ce district contre les staliniens
– nous
avions là quelques camarades, nous avons aidé à préparer la
résolution de façon très différente, mais nous n’étions pas à
la commission des résolutions
– tard
dans la nuit, la résolution a été adoptée dans la hâte.
Trotsky.
– Cette résolution peut être utilisée contre nous également.
Comment ce parti est-il construit? Il est basé non seulement sur les
syndicats, mais sur d’autres organisations puisqu’il y a des
progressistes, des intellectuels, etc. Y a-t-il des admissions
individuelles, ou seulement collectives ?
Dunne.
–
Le F.L.P. repose sur les organisations économiques ouvrières, les
syndicats, les coopératives, etc., les organisations coopératives
de fermiers, et aussi sur des unités territoriales, des clubs
urbains, etc. Il permet aussi l’adhésion d’organisations
culturelles, d’organisations d’assurances contre la maladie ou
sur la vie, etc. et aussi des clubs de quartier. Les staliniens et
les intellectuels adhèrent par ces clubs : ils ont plus de contrôle
que le local
des
conducteurs qui a 40000 membres. Nous combattons cela –
nous
exigeons qu’on donne aux syndicats leur représentation réelle
– nous
avons là-dessus le soutien des syndicats.
Trotsky.
– Pouvez-vous me dire quelles sont les nuances d’opinion parmi
nos camarades dirigeants sur cette question – en gros ?
Cannon.
– Il
existe des nuances d’opinion non seulement dans la direction mais
dans les rangs. Les problèmes se posent surtout dans les syndicats.
On propose une motion dans les syndicats pour l’adhésion à la
L.N.P.L. Le sentiment en faveur de ça, surtout dans les syndicats
C.I.O., est une écrasante majorité. Je pense que notre politique
dans le New Jersey, que, dans ce syndicat au moins, nous ne nous
opposions pas à l’adhésion à la L.N.P.L., devra être adoptée.
Il y a aussi dans le parti une tendance (qui dit) que, dans la
L.N.P.L., nous devons insister pour la formation du Labor Party. Je
me hasarde à dire que les camarades des syndicats seraient très
satisfaits s’ils pouvaient obtenir cette décision. Mais ils n’ont
pas encore mesuré toutes les difficultés. Le dilemme est qu’on
devient les champions du F.L.P. en ayant une politique agressive.
Nous avons même un camarade au comité exécutif d’État du F.L.P.
au New Jersey. Les bureaucrates essaient d’ajourner la date de la
formation du F.L.P. La politique de Lewis, Hillman est de tout
mettre
de côté jusqu’en 1940s.
Si nos camarades voulaient se battre
énergiquement,
s’ils pouvaient être sincères dans leur défense du
F.L.P., ils
pourraient grouper une vraie opposition contre les bureaucrates.
Mais
alors le dilemme est que nous nous faisons les champions de la
création d’un F.L.P. que nous combattons.
Il
y aura
dans notre plénum des différences d’opinion
–
il
y aura
une
tendance à devenir d’énergiques combattants pour la constitution
d’un Labor Party. Mon opinion est que c’est là le sentiment qui
prévaut dans le parti, adhérer à la L.N.P.L. et devenir
des
combattants agressifs pour la constitution d’un Labor Party
et
contre la politique de soutien des candidats capitalistes, si nous
pouvons
le faire sans compromettre notre position de principe, ce
serait
le mieux pour gagner de l’influence. Nous ne disons rien
pratiquement aux ouvriers qui sont prêts à faire un pas en avant.
Le P.C.
est
non seulement le champion du L.P., c’est un parti rooseveltien ;
les bureaucrates dans les syndicats sont en train de bloquer aussi un
fort mouvement des travailleurs pour un Labor Party.
Shachtman.
– Je
ne dirais pas que le sentiment en faveur du Labor
Party
est si fort aujourd’hui parmi les ouvriers. Le gros du sentiment
pro-Labor Party qui avait pu s’exprimer a été canalisé dans le
canal Roosevelt. Nous avons eu une crise formidable et pourtant tout
ce qui en est sorti c’est une forme hybride de L.P. à New
York.
En tout cas, si on compare 1938 avec 1924, on peut dire qu’il n’y
a guère de mouvement en faveur d’un Labor Party maintenant :
alors, à cette époque, il
y avait
vraiment un sentiment plus réel dans les syndicats. Je pense que
nous n’avons pas une idée claire des perspectives d’un Labor
Party, que nous allons faire quelques grosses erreurs politiques. Je
crois qu’un grand changement est en train de se produire,
– un
éclatement des vieux partis. Le plus grand parti politique, le parti
démocrate, qui a le soutien de 90 % des ouvriers et des paysans, est
en train de scissionner presque sous nos
yeux. Au
congrès, le combat ne se déroule plus entre républicains et
démocrates, mais entre deux parties des démocrates. Il existe de
très bonnes raisons de croire que, dans l’élection de 1940, nous
aurons un nouvel alignement politique avec les vieux républicains
fusionnés avec d’un côté les démocrates du Sud et de l’autre
les démocrates du New Deal, les partisans de Roosevelt, plus le C.I.
O., Lewis ; ce sera même assez puissant pour entraîner le gros de
l'A.F.L. n. C’est précisément cette perspective qui empêche
Lewis, Hillman, de se faire les champions du L.P.
– ils
attendent la scission dans le parti démocrate où ils pourront jouer
un rôle considérable. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il y
aura un progrès réel, sérieux, substantiel, du mouvement L.N.P.L.
pour un Labor Party indépendant.
Il
est vrai que notre position est plutôt difficile, mais nous avons
beaucoup d’expérience avec les mouvements Labor Party, on pourrait
s’aider en généralisant par référence à notre situation à
Minneapolis
: je
ne pense pas que notre développement y soit dû à notre
participation au mouvement F.L.P. mais à nos activités dans les
syndicats. Néanmoins et parce que nous grandissons, il nous faut
nécessairement participer à la politique du F.L.P. et je ne peux
pas dire que je suis entièrement satisfait de la situation là. Je
ne peux pas dire que nous ayons proposé une autre ligne de conduite.
En effet, à Minneapolis, nous sommes dans un bloc avec des
réformistes dits honnêtes
– ce
sont des canailles pour leur propre
compte
–
qui
sont dans un bloc avec les démocrates, dirigé presque exclusivement
contre les staliniens et contre le contrôle mécanique que
les
staliniens exercent sur le F.L.P. Dans l’action, nous ne sommes
pas
distinguables des prétendus réformistes honnêtes. Nous nous
distinguons
des staliniens, mais seulement dans la mesure où nous
sommes
dans un bloc avec des réformistes honnêtes qui votent pour
le
F.L.P. dans l’État et pour les démocrates au plan national.
Si
nous devons suivre la politique de nous opposer à ce qu’on
soutienne des candidats capitalistes en faveur des candidats F.L.P.,
sérieusement,
systématiquement, effectivement, je ne peux pas
voir
comment nous pouvons éviter de devenir les champions du Labor
Party,
de prendre l’initiative, partout où il n’existe pas de Labor
Party,
d’en constituer un. A moins que tous les signes ne se révèlent
faux,
ces Labor Parties constitueront un appendice de Roosevelt comme ce
fut le cas pour l’A.L.P. de New York soutenant nationalement
Roosevelt et localement les Républicains- Fusion.
Une
fois qu’on a commencé ça, je ne vois pas bien comment on pourrait
éviter les conséquences d’une politique qu’on a
suivie
en 1924 quand nous étions au P.C., avec la complication
supplémentaire que le parti stalinien est dans les syndicats et que,
s’il
est
vrai qu’ils sont un parti rooseveltien, ils appellent encore dans
les
syndicats à former un Labor Party.
Cannon.
– Pas
trop. Je dirais que, au cours de la première période
du
Front populaire, les staliniens avaient comme mot d’ordre
«
Organisons
le Labor Party comme parti du peuple américain
!
», mais
ce n’est maintenant plus qu’un geste rituel. En ce
moment,
ils sont même contre une scission prématurée du parti démocrate.
Il
n’est pas vrai que le sentiment maintenant en faveur d’un
L.P.
soit moindre qu’en 1924. A cette époque, il n’avait pas de base
dans
les syndicats ; c’était surtout un mouvement de fermiers.
Maintenant le mouvement est dominé par les syndicats C.I.O. Ce n'est
pas
la vieille politique de Gompers. Les syndicats sont enrégimentés
politiquement, le sentiment dans les rangs pour leur propre
parti
est très fort. La L.N.P.L. ne va pas satisfaire cette aspiration des
ouvriers. La politique de Lewis et des bureaucrates est
expérimentale
: si les ouvriers réclament plus fort, on fera quelques concessions.
C’est un pas au-dessus de la politique de Gompers
[...].
Trotsky.
– La question est très importante et complexe. Quand la Ligue a
pour la première fois étudié cette question, il y a sept ou huit
ans, si nous allions être ou non pour un Labor Party, si nous
allions ou non prendre l’initiative sur ce point, alors le
sentiment général était de ne pas le faire et c’était tout à
fait juste. La perspective de développement n’était pas claire.
Je crois que la majorité d’entre nous espéraient que notre
organisation se développerait plus vite. D’un autre côté, je
crois que personne dans nos rangs n’a, pendant cette période,
prévu l’apparition du C.I.O. à cette vitesse et avec cette
puissance. Dans notre perspective, nous avons surestimé la
possibilité d’un développement de notre parti au détriment des
staliniens, d’un côté, et, de l’autre, nous n’avons pas vu ce
puissant mouvement syndical et le rapide déclin du capitalisme
américain. Ce sont deux faits qu’il nous faut reconnaître. Je ne
peux pas parler à partir de mes propres observations mais
théoriquement. La période de 1924, je ne la connais qu’à travers
l’expérience de notre ami commun, Pepper. Il vint me voir pour me
dire que le prolétariat américain n’était pas une classe
révolutionnaire, c’étaient les fermiers et que nous devions nous
tourner vers eux, pas vers les ouvriers. C’était la conception de
l’époque. C’était un mouvement
de
fermiers – de ces fermiers qui sont par nature enclins
à
chercher des panacées (populisme, FLPisme) à chaque crise.
Maintenant
on a un mouvement d’une importance énorme, le
C.I.O.,
quelques trois millions et plus, organisés dans une organisation
nouvelle,
plus militante. Cette organisation, qui a commencé par des grèves,
de grandes grèves, et a aussi partiellement
entraîné
l’A.F.L. dans ces grèves pour les augmentations de
salaires,
cette organisation, à ses premiers pas, entre dans la plus
grande
crise [jamais connue] aux États-Unis. La perspective de
grèves
économiques est exclue pour la prochaine période, étant
donné
la situation du nombre croissant de chômeurs, etc. Nous pouvons
chercher la possibilité de lui faire jeter tout son poids
dans
la balance politique.
Toute
la situation objective l’imposait aux ouvriers comme aux
dirigeants
– aux dirigeants dans un double sens. D’un côté, ils
exploitent
la tendance au profit de leur propre autorité et, de l’autre,
ils
essaient de le briser et de ne pas lui permettre de dépasser ses
dirigeants. La L.N.P.L. a cette double fonction. Je ne
crois
pas qu’il faille réviser théoriquement notre politique, mais
je
crois qu’elle a besoin d’être concrétisée. En quel sens ?
Sommes-nous pour la création d’un Labor Party réformiste? Non.
Sommes-nous pour une politique qui puisse donner aux syndicats la
possibilité de jeter leur poids dans la balance ? Oui.
Il
peut devenir un parti réformiste – cela dépend du développement.
Ici se pose la question du programme. Je l’ai indiqué
hier
et je vais le souligner aujourd’hui : il nous faut un programme de
revendications transitoires, dont la plus achevée est
celle
de gouvernement ouvrier et paysan. Nous sommes pour un
parti,
pour un parti indépendant des masses laborieuses, qui prendra
le
pouvoir dans l’État. Nous devons concrétiser cela – nous
sommes
pour la création de comités d’usine, pour le contrôle ouvrier de
l’industrie par les comités d’usine. Toutes ces questions sont
maintenant suspendues en l’air. Ils parlent de technocratie et
lancent le mot d’ordre de « produire pour utiliser ». Nous nous
opposons à cette formule de charlatans et avançons le contrôle
ouvrier de la production par les comités d’usine.
Lundberg
a écrit le livre Soixante
Familles. The Annalist
affirme
que ses chiffres sont faux. Nous disons : les comités d’usine
examineront les livres de compte. Ce programme, nous devons le
développer parallèlement avec l’idée d’un Labor Party dans les
syndicats et de piquets d’ouvriers armés, c’est-à-dire de
milice ouvrière. Autrement, c’est une abstraction et une
abstraction est une arme entre les mains de la classe adverse. La
critique [à faire] aux camarades de Minneapolis, c’est de ne pas
avoir concrétisé un programme. Dans ce combat, nous devons
souligner que nous sommes pour le bloc des ouvriers et des fermiers,
mais pas de fermiers comme Roosevelt (je ne sais pas si vous avez
remarqué que dans la présentation de sa candidature, il a donné
comme profession « fermier »). Nous ne sommes pour un bloc qu’avec
les fermiers exploités, pas les fermiers
exploiteurs, les fermiers exploités et les ouvriers agricoles. Nous
pouvons devenir les champions de ce mouvement, mais sur la base d’un
programme concret de revendications. A
Minneapolis,
la première tâche devrait être de démontrer statistiquement que
10000
ouvriers n’ont pas plus de voix que, disons, dix intellectuels ou
cinquante personnes organisées par les staliniens. Puis il nous faut
présenter cinq ou six revendications, très concrètes, adaptées à
l’esprit des ouvriers et des fermiers et inculquer à chaque
camarade : comités ouvriers d’usine et puis gouvernement ouvrier
et paysan. C’est là le vrai sens du mouvement.
Cannon.
– Proposerons-nous
aux syndicats d’adhérer à la L.N.P.L. ?
Trotsky.
–
Oui,
je le crois. Naturellement nous ferons notre premier pas de façon à
accumuler une expérience pour le travail pratique, pas nous engager
dans des formules abstraites, mais développer un programme d’action
concret et des revendications, dans le sens que ce programme de
transition soit issu des conditions de la société capitaliste
actuelle, mais qu’il conduise tout de suite au-delà des limites du
capitalisme. Ce n’est pas le programme minimum réformiste qui n’a
jamais compris la milice ouvrière et le contrôle ouvrier sur la
production. Ces revendications sont transitoires parce qu’elles
mènent de la société capitaliste à la révolution prolétarienne,
dans la mesure où elles deviennent les revendications des masses
comme le gouvernement prolétarien. Nous ne pouvons pas nous en tenir
aux revendications quotidiennes du prolétariat. Nous devons donner
aux travailleurs les plus arriérés le mot d’ordre concret qui
répond à leurs besoins et mène dialectiquement à la conquête du
pouvoir par la violence.
Shachtman.
–
Comment
motiveriez-vous le mot d’ordre de milice ouvrière ?
Trotsky.
–
Par
le mouvement fasciste en Europe. Toute la situation démontre que les
blocs des libéraux, des radicaux et de la
bureaucratie
ouvrière ne sont rien, comparés à la bande fasciste militarisée :
seuls des travailleurs avec une expérience militaire peuvent
s’opposer au danger fasciste. Je crois qu’en Amérique, vous avez
assez de scabs, de tueurs, pour lier ce mot d’ordre avec
l’expérience locale, par exemple en montrant l’attitude de la
police, l’état de choses à Jersey. Dans cette situation, dites
tout de suite que ce maire-gangster, avec sa police de gangsters,
devrait être chassé par la milice ouvrière. «
Nous
voulons ici l’organisation du C.I.O., mais, contrairement à
la
Constitution, on nous enlève le droit de nous organiser. Si le
pouvoir fédéral ne peut pas contrôler le maire, alors nous,
ouvriers, devons organiser, pour notre protection, la milice ouvrière
et combattre pour nos droits. » Ou bien, dans les conflits entre
A.F.L. et C.I.O., nous pouvons mettre en avant le mot d’ordre de
milice ouvrière comme une nécessité pour la protection des
réunions ouvrières. Et particulièrement [il faut] l’opposer à
l’idée stalinienne du Front populaire et on peut souligner le
résultat de ce Front-popularisme, le destin de l’Espagne et la
situation en France. Puis on peut souligner le mouvement en
Allemagne, les camps nazis. Nous devons dire : «
Vous,
ouvriers de cette ville, serez les premières victimes de cette
bande
fasciste. Il faut vous organiser, il faut vous armer ! »
Cannon.
– Quel
nom donnerez-vous à ces groupes
?
Trotsky.
–
On
peut leur donner un nom modeste, piquets d’ouvriers armés.
Cannon.
–
Comités
de défense ?
Trotsky.
– Oui. Il faut en parler avec les ouvriers.
Cannon.
– Le
nom est très important. On peut populariser les comités de défense
des ouvriers. Milice ouvrière sonne trop «
étranger
».
Shachtman.
– Il
n’y a pas encore aux États-Unis le danger fasciste qui ferait
naître le sentiment en faveur d’une organisation comme la milice
ouvrière. L’organisation d’une milice ouvrière présuppose une
préparation à la prise du pouvoir. Ce n’est pas encore à l’ordre
du jour aux États-Unis.
Trotsky.
– Naturellement on ne peut prendre le pouvoir que quand on a la
majorité de la classe ouvrière, mais, même en ce cas, la milice
ouvrière sera une petite minorité. Même dans la révolution
d’octobre, la milice était une petite minorité. La question est :
comment organiser et armer de la sympathie des masses cette petite
minorité ? Comment pouvons-nous y arriver ? En préparant les masses
par la propagande. La crise, la tension des rapports de classe, la
création d’un parti ouvrier, d’un Labor Party, signifie une
terrible aggravation [de la tension] des forces. La réaction sera
tout de suite un mouvement fasciste. C’est pourquoi il nous faut
maintenant lier l’idée du Labor Party avec ses conséquences –
autrement nous n’apparaîtrions que comme des pacifistes avec des
illusions démocratiques. Nous avons également la possibilité de
lancer des mots d’ordre de notre programme de transition et de voir
la réaction des masses. Nous verrons quels mots d’ordre choisir,
quels mots d’ordre abandonner, mais si nous abandonnons nos mots
d’ordre avant expérience, avant d’avoir vu la réaction des
masses, nous ne progresserons jamais.
Dunne.
– Je
voulais poser une question sur le mot d’ordre de l’accès des
ouvriers aux secrets de l’industrie. Il me semble qu’il faut bien
y réfléchir et l’appliquer avec soin car il pourrait conduire à
des difficultés que nous avons déjà expérimentées. En fait, un
des moyens de réduire l’ardeur militante des ouvriers consiste
pour le patron à offrir de nous montrer les livres et prouver qu’ils
perdent de l’argent, la question n’étant pas de savoir s’ils
sont honnêtes ou non. Nous avons combattu ça en disant :
« c’est
à vous d’organiser vos affaires ; nous exigeons des conditions de
vie décentes
».
Je
me demande donc quels seraient les effets de notre mot d’ordre
d’accès des ouvriers aux secrets de l’industrie.
Trotsky.
–
Oui,
les capitalistes le
font
dans deux cas, quand la
situation
de l’entreprise est vraiment mauvaise, et quand ils peuvent
tromper
les ouvriers. Mais il faut poser la
question
sous un
angle
plus général. En
premier
lieu, il y
a
des millions de chômeurs,
et
le gouvernement affirme qu’il ne peut pas payer plus
et
les capitalistes disent qu’ils ne peuvent pas contribuer plus –
nous
voulons avoir accès aux livres de compte de cette société. Le
contrôle
des revenus devrait être organisé par les comités d’usine.
Les
ouvriers diront : nous voulons des statisticiens qui soient
dévoués
à la classe ouvrière. Si une branche industrielle démontre qu’elle
est réellement ruinée, alors, vous répondez «
Nous
proposons de vous exproprier. Nous dirigerons mieux que
vous.
Pourquoi n’avez-vous pas de profits ? A cause du chaos de
la
société capitaliste. » Nous disons : les secrets commerciaux sont
une
conspiration des exploiteurs contre les exploités, des producteurs
contre les travailleurs. A l’époque de la liberté, à l’époque
de la concurrence, ils ont clamé qu’ils voulaient le secret pour
se
protéger. Maintenant ils n’ont plus de secrets les uns pour les
autres,
mais seulement pour la société. Cette revendication de transition
est aussi un pas vers le contrôle ouvrier de la production comme
plan préparatoire à la direction de l’industrie. Tout
doit
être contrôlé par les ouvriers qui seront demain les maîtres de
la société. Mais appeler à la conquête du pouvoir, cela semble
aux
ouvriers américains illégal, fantastique. Mais si vous dites
:
« Les capitalistes refusent de payer pour les chômeurs et cachent
à
l’État leurs véritables profits et le cachent aussi aux ouvriers
en
tenant des comptes malhonnêtes », les ouvriers le comprendront.
Si
nous disons au fermier : « La banque vous roule.
Ils
ont de gros profits. Et nous vous proposons de créer un comité de
fermiers pour regarder les livres de compte de la banque », tout
fermier comprendra cela. Nous dirons : « Le fermier ne peut faire
confiance qu’à lui-même ; qu’il crée des comités pour
contrôler les crédits agricoles ! », ils comprendront. Cela
présuppose
un état d’esprit turbulent chez les fermiers, on ne
peut
pas faire ça tous les jours. Mais introduire cette idée dans les
masses
et chez nos propres camarades, c’est absolument nécessaire de le
faire tout de suite.
Shachtman.
– Je
crois qu’il n’est pas juste, contrairement à ce que
vous
dites, de mettre en avant le mot d’ordre de contrôle ouvrier de
la
production, avant celui de milice ouvrière. Le mot d’ordre
d’ouverture des livres de compte de la classe capitaliste est plus
adéquat
dans
la période présente et peut être popularisé. Quant aux deux
autres, il est vrai que ce sont des mots d’ordre de transition,
mais pour la fin de la route, qui est proche, de la préparation de
la lutte pour le pouvoir. La transition implique un chemin, qu’il
soit long ou court. Chaque étape de cette route exige ses propres
mots d’ordre. Pour aujourd’hui nous pouvons utiliser celui de
l’examen des livres de compte des capitalistes, pour demain, celui
du contrôle ouvrier sur la production et celui de la milice
ouvrière.
Trotsky.
– Comment, dans une situation aussi critique à l’échelle du
monde entier, pouvons-nous mesurer l’étape du développement aux
États-Unis? Vous dites que c’est le début, pas la fin. Quelle est
la distance ? 100, 10, 4, combien dites-vous à peu près ? Au bon
vieux temps, les social-démocrates disaient : « Nous n’avons que
10000 ouvriers, plus tard nous en aurons 100000, puis un million, et
alors nous aurons le pouvoir. » Le développement mondial, pour eux,
n’était qu’une accumulation de quantités, 10000, 100000, etc.
Nous avons maintenant une situation tout à fait différente. Nous
sommes dans une période du capitalisme déclinant, de crises
toujours plus agitées et terribles, et de la guerre qui approche. En
temps de guerre, les ouvriers apprennent très vite. Si vous dites
qu’il faut attendre et voir, puis faire de la propagande, nous ne
serons pas l’avant-garde, mais l’arrière-garde. Si vous me
demandez : « Est-il possible que les ouvriers américains s’emparent
du pouvoir dans dix ans? », je dirai : « Oui, c’est tout à fait
possible. » L’explosion du C.I.O. démontre que la base de la
société capitaliste est minée. La milice ouvrière et le contrôle
ouvrier de la production sont deux aspects d’une même question.
L’ouvrier n’est pas un comptable. Quand il demande à voir les
livres, il veut changer la situation en la contrôlant, puis en la
dirigeant. Naturellement nous mettons en avant nos mots d’ordre en
fonction de l’écho qu’ils trouvent dans les masses. Quand on
voit la réaction des masses, on sait quel aspect de la question
souligner. Nous dirons : « Roosevelt veut aider les chômeurs par
l’industrie de guerre. Mais si nous, travailleurs, gérions la
production, nous pourrions trouver une autre industrie, pas pour les
morts, pour ceux qui vivent. » La question peut devenir
compréhensible même pour un ouvrier moyen qui n’a jamais pris
part à un mouvement politique. Nous sous-estimons le mouvement
révolutionnaire dans les masses travailleuses. Nous sommes une
petite organisation, propagandiste, et, dans certaines situations,
nous sommes plus sceptiques que les masses qui se développent très
vite. Au début de 1917, Lénine disait que le parti est dix fois
plus révolutionnaire que son comité central et les masses cent fois
plus révolutionnaires que les rangs du parti. Il n’y a pas
maintenant aux États-Unis de situation révolutionnaire. Mais les
camarades avec des idées très révolutionnaires dans les époques
tranquilles peuvent devenir de vrais freins au mouvement dans des
situations révolutionnaires – cela se produit souvent. Un parti
révolutionnaire attend la révolution si souvent et si longtemps
qu’il a l’habitude de la reporter.
Cannon.
– On
voit ce phénomène des grèves : elles balaient le pays et prennent
par surprise le parti révolutionnaire. Faut-il proposer ce programme
de transition dans les syndicats ?
Trotsky.
– Oui, nous faisons de la propagande pour ce programme dans les
syndicats, nous le proposons comme base programmatique du L.P. Pour
nous, c’est un programme de transition, mais pour eux, c’est le
programme. Maintenant il s’agit du contrôle ouvrier sur la
production. Mais on ne peut réaliser ce programme qu’à travers un
gouvernement ouvrier et paysan. Il nous faut populariser ce mot
d’ordre.
Cannon.
– Et
ce mot d’ordre-là, faut-il le mettre en avant aussi en tant que
programme de transition ou bien est-ce un pseudonyme de la dictature
du prolétariat ?
Trotsky.
– Dans notre esprit, il mène à la dictature du prolétariat. Nous
disons aux ouvriers et aux fermiers : « Vous voulez Lewis comme
président? Bien, cela dépend de son programme. Lewis, plus Green,
plus LaFollette égale représentants des fermiers ? Cela aussi
dépend du programme. Nous essayons de concrétiser le programme, de
le rendre plus précis, alors le gouvernement ouvrier et paysan
signifie le gouvernement ouvrier dirigeant les fermiers.
Shachtman.
– Comment
conciliez-vous cela avec l’affirmation primitive selon laquelle
nous ne pouvons appeler à l’organisation d’un Labor Party
réformiste
? J’aimerais
comprendre clairement ce que fait concrètement notre camarade quand
son syndicat est affilié à la L.N.P.L. et qu’il est délégué au
L.P. Là la question se pose de quoi faire aux élections et on
propose
« Soutenons
LaGuardia
/ ». Comment
se présente concrètement cette question pour nos camarades
?
Trotsky.
– Nous avons ici une réunion syndicale pour discuter de
l’affiliation à la L.N.P.L. Dans le syndicat, je dirai d’abord :
« Premièrement, l’unification des syndicats sur un plan politique
est un pas en avant. Il existe un danger qu’il tombe aux mains de
nos ennemis et c’est pourquoi je propose deux mesures : 1) que nous
n’ayons comme représentants que des ouvriers ou des fermiers ; que
nous ne dépendions en rien des prétendus alliés parlementaires ;
2) que nos représentants suivent notre programme, celui-ci. » Nous
esquissons alors des plans concrets sur le chômage, le budget
militaire, etc. Puis je dis : « Si vous me proposez comme candidat,
vous connaissez mon programme. Si vous m’envoyez vous représenter,
je combattrai pour ce programme dans la L.N.P.L., dans le L.P. »
Quand la L.N.P.L. décide de voter pour LaGuardia, ou bien je
démissionne en signe de protestation ou bien je proteste et je reste
: « Je ne peux pas voter pour LaGuardia. J’ai un mandat. » Nous
obtenons de grandes possibilités neuves pour la propagande.
La
dissolution de notre organisation est absolument exclue. Nous
manifestons clairement que nous avons notre organisation, notre
presse, etc. Il s’agit d’un rapport de forces. Le cam[arade]
Dunne dit que nous ne pouvons pas encore appeler les syndicats à
soutenir le S.W.P. ? Pourquoi? Parce que nous sommes trop faibles. Et
nous ne pouvons pas dire aux ouvriers « Attendez que nous soyons
devenus plus influents, plus puissants ». Il nous faut intervenir
dans le mouvement tel qu’il est.
Shachtman.
– S’il
n’y a pas de mouvement pour un Labor Party et si nous étions
opposés à sa création, comment cela affecterait-il le programme
lui-même : il serait encore notre programme de transition. Je ne
comprends pas ce que vous dites quand vous dites qu’on ne peut pas
défendre un parti réformiste mais nous le défendons et devenons
les champions du mouvement L.P. dans le but d’imposer politiquement
la volonté des ouvriers.
Trotsky.
– Ce serait absurde de dire que nous défendons un parti
réformiste.
Nous pouvons dire aux dirigeants de la L.N.P.L.
:
« Vous êtes en train de faire de ce mouvement un simple
appendice
opportuniste des démocrates. » C’est une question
d’approche
pédagogique. Comment peut-on dire que nous
demandons
la création d’un parti réformiste ? Nous disons que
vous
ne pouvez imposer votre volonté à travers un parti réformiste,
seulement à travers un parti révolutionnaire. Les staliniens et les
libéraux souhaitent faire de ce mouvement un parti
réformiste,
mais nous avons notre programme et nous en ferons
un
parti révolutionnaire.
Cannon.
– Comment
pouvez-vous expliquer un Labor Party révolutionnaire ? Nous disons :
« Le
S. W.P. est l’unique parti révolutionnaire et son programme le
seul révolutionnaire. »Comment
pouvons-nous
donc expliquer aux ouvriers que le L.P. est aussi
un
parti révolutionnaire ?
Trotsky.
– Je ne dirai pas que le L.P. est un parti révolutionnaire, mais
que nous ferons tout pour que ce soit possible. A chaque réunion,
nous dirons : « Je suis représentant du
S.W.P.
Je considère que c’est le seul parti révolutionnaire. Mais
je
ne suis pas sectaire. Vous essayez maintenant de créer un grand
parti
ouvrier. Je vous aiderai mais je vous propose d’examiner un
programme pour ce parti. Je fais telle et telle proposition. » C’est
ainsi que je commence. Dans ces conditions, ce
serait un
grand pas en avant. Pourquoi ne pas dire ouvertement
ce
qui est? Sans aucun camouflage, sans aucune diplomatie.
Cannon.
–
Jusqu’à
présent la question a toujours été posée abstraitement. La
question du programme n’a jamais été dessinée comme
vous
l’avez dessinée ici. Les lovestonistes ont toujours été pour
un
L.P., mais ils n’ont pas de programme, ce sont des combinaisons de
sommet. Il me semble que si nous avons un programme et y faisons sans
cesse référence...
Trotsky.
–
D’abord
il y a le programme, et puis les statuts qui assurent la domination
des syndicats contre les personnalités libérales, les
petits-bourgeois, etc. Autrement, il pourrait devenir un Labor Party
par sa composition sociale, un parti capitaliste par sa politique.
Cannon,
– Il
me semble qu’à Minneapolis il s’agit trop d’une lutte
organisationnelle, une lutte pour le contrôle de l’organisation
entre les staliniens et nous. Nous devons développer à Minneapolis
un combat programmatique contre les staliniens dans le F.L.P., comme
nous avons utilisé hier le vote sur l’amendement Ludlow.
Shachtman.
–
Maintenant,
avec l’imminence du début de la guerre, le Labor Party peut
devenir un piège. Et je ne puis pas encore comprendre comment le
L.P. peut être différent d’un parti réformiste, purement
parlementaire.
Trotsky.
– Vous posez la question de façon trop abstraite :
naturellement,
il peut se cristalliser en un parti réformiste et un qui nous
excluerait ! Mais nous serons une partie du mouvement. Il nous faut
dire aux lovestonistes, staliniens, etc. « Nous sommes pour un parti
révolutionnaire. Vous faites tout pour le rendre réformiste. »
Mais nous soulignons toujours notre programme. Nous disons toujours
aux ouvriers : « Il vous faut votre programme pour ce L.P. : voici
le mien. » Et nous proposons notre programme de revendications de
transition. Quant à la guerre et l’amendement Ludlow, nous les
discuterons demain et je montrerai de nouveau comment utiliser notre
programme de transition dans cette situation.