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Léon Trotsky 19381018 La Fondation de la IVe Internationale

Léon Trotsky : La Fondation de la IVe Internationale

(18 octobre 1938)

[Source Léon Trotsky, Œuvres 19, octobre 1938 a décembre 1938. Institut Léon Trotsky, Paris 1985, pp. 99-102, voir des annotations là-bas]

J’espère que cette fois ma voix vous parviendra à temps et qu’il me sera ainsi permis de prendre part à votre double célébration. Les deux événements — le 10e anniversaire de notre organisation américaine, comme le congrès de fondation de la IVe Internationale — méritent d’attirer l’attention des ouvriers bien plus que les gestes belliqueux des chefs totalitaires, les intrigues diplomatiques ou les congrès pacifistes.

Les deux événements entreront dans l’Histoire comme des jalons importants, personne n’a le droit d’en douter.

Il faut remarquer que la naissance du groupe américain des bolcheviks-léninistes, grâce à la courageuse initiative des camarades Cannon, Shachtman et Abern ne constituait pas un événement isolé. Elle coïncidait approximativement avec le début du travail international systématique de l’Opposition de gauche. Il est vrai que l’Opposition de gauche est apparue en U.R.S.S. en 1923, mais elle n’a commencé à travailler régulièrement à l’échelle internationale qu’avec le 6e congrès de l’I.C.

Sans nous être personnellement rencontrés, nous sommes arrivés à un accord avec les pionniers américains de la IVe Internationale, avant tout sur la critique du programme de l’I.C. Puis, en 1928, a commencé ce travail collectif qui a abouti, dix ans après, à l’élaboration de notre propre programme, qui vient d’être adopté par notre conférence internationale.

Nous avons le droit de dire que le travail de cette décennie a été non seulement opiniâtre et patient, mais aussi honnête. Nos cadres, peu nombreux, pionniers internationaux, ont, en marxistes authentiques, cherché la voie de la révolution, non dans leurs propres sentiments et désirs, mais dans l’analyse de la marche objective des événements. Nous étions guidés avant tout par le souci de ne décevoir ni nous-mêmes ni les autres. Nous avons cherché honnêtement et sérieusement. Et nous avons trouvé plusieurs choses importantes. Les événements ont confirmé nos pronostics. Personne ne peut le nier.

Il nous faut maintenant rester fidèles à nous-mêmes et à notre programme. Ce n’est pas facile. La tâche est immense, nos ennemis innombrables. Nous n’avons le droit de consacrer notre temps et notre attention à la célébration de cet anniversaire que dans la mesure où c’est à partir des leçons du passé que nous pouvons nous préparer à l’avenir.

Chers amis, nous ne sommes pas un parti comme les autres. Notre ambition n’est pas seulement d’avoir plus d’adhérents, plus de journaux, plus d’argent en caisse, plus de députés. Il nous faut tout cela, mais ce ne sont que des moyens. Notre objectif, c’est la libération, matérielle et spirituelle, totale des opprimés et des exploités par la révolution socialiste. Personne d’autre que nous ne la préparera ni ne la dirigera.

Les vieilles Internationales — la IIe, la IIIe, celle d’Amsterdam et nous y ajouterons aussi le bureau de Londres — sont totalement pourries. Les grands événements qui vont s’abattre sur l'humanité ne laisseront pas pierre sur pierre de ces organisations moribondes. Seule la IVe Internationale regarde l’avenir avec confiance. Elle est le parti mondial de la révolution socialiste ! Il n’y a jamais eu sur cette terre de tâche plus grandiose.

Sur chacun de nous pèse une responsabilité historique. Notre parti exige chacun de nous, totalement, complètement. Que les philistins aillent dans le vide à la recherche de leur propre personnalité ! Pour un révolutionnaire, se donner entièrement à son parti, c’est se trouver soi-même. Oui, notre parti prend entièrement chacun d’entre nous. Mais, en échange, il nous donne la joie la plus haute, la conscience de participer à la construction d’un avenir meilleur, de porter sur nos épaules une parcelle du destin de l’humanité et de ne pas vivre notre vie en vain.

La fidélité à la cause des opprimés exige de chacun d’entre nous la dévotion la plus haute à notre parti international. Le parti, bien sûr, peut aussi se tromper. C’est par des efforts collectifs que nous corrigerons ses erreurs. Des éléments indignes peuvent se glisser dans nos rangs. C’est par des efforts collectifs que nous les éliminerons. Les meilleurs des nouveaux qui demain viendront à nous manqueront sans doute de l’éducation nécessaire. C’est par des efforts collectifs que nous élèverons leur niveau révolutionnaire. Mais nous n’oublierons jamais que notre parti est maintenant le levier le plus important de l’Histoire. Sans ce levier, aucun d’entre nous n’est rien. Ce levier en main, nous sommes tout.

Nous ne sommes pas un parti comme les autres. Ce n’est pas pour rien que la réaction impérialiste nous persécute et nous pourchasse furieusement. Les assassins à son service sont les agents de la cliqué bonapartiste de Moscou. Notre jeune Internationale compte déjà beaucoup de victimes. En Union soviétique, elles se comptent par milliers. En Espagne, par dizaines. Dans d’autres pays, par unités. C’est avec reconnaissance et affection que nous nous souvenons d’eux tous en ce moment. Leur esprit continue à lutter dans nos rangs.

Les bourreaux, dans leur stupidité et leur cynisme, pensent que l’on peut nous effrayer. Ils se trompent. Nous deviendrons plus forts sous les coups. La politique bestiale de Staline n’est qu’une politique de désespoir. On peut tuer individuellement des soldats de notre armée, mais on ne peut pas leur faire peur. Amis, nous le répéterons encore en ce jour anniversaire. Il n'est pas possible de nous faire peur !

II a fallu dix ans à la clique du Kremlin pour étrangler le parti bolchevique et transformer le premier État ouvrier en sinistre caricature. Il a fallu dix ans à la IIIe Internationale pour piétiner dans la boue son propre programme et devenir elle-même un cadavre puant. Dix ans. Dix ans seulement ! Permettez-moi de terminer par une prédiction ! Dans les dix années qui viennent, le programme de la IVe Internationale deviendra le guide de millions d’hommes et ces millions de révolutionnaires sauront prendre d’assaut le ciel et la terre.

Vive le Socialist Workers Party des États-Unis!

Vive la IV Internationale !

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