Léon
Trotsky : La
prétendue lettre de Rudolf Klement
(4
août 1938)
[Source
Léon Trotsky, Œuvres 18, juin
1938 a septembre 1938.
Institut Léon Trotsky, Paris 1984, pp. 218-229,
voir
des
annotations
là-bas]
1.
J’ai reçu par courrier via
New York le 1er
août la lettre en allemand signée « Frédéric ». Cette lettre
est datée du 14 juillet, sans indication du lieu où elle a été
postée. L’enveloppe à l’intérieur porte en allemand la mention
« pour L. D. ». Il faut établir d’où, et par quelle route,
cette lettre est arrivée à New York. J’ajoute que les marques et
traits dans la marge qui apparaissent sur la photocopie ont été
faits par moi au crayon rouge à ma première lecture.
2.
Klement commençait les lettres qu’il m’adressait par les mots :
« Cher Camarade L. D. ». Cette lettre-là commence par cette
formule : « M. Trotsky ». Cela devait apparemment correspondre au
ton d’hostilité de cette lettre qui annonce «
la rupture de nos relations ».
3.
L’écriture de cette lettre ressemble beaucoup à celle de Klement.
Mais une comparaison plus attentive avec ses lettres antérieures
fait apparaître une différence très frappante. L’écriture de la
dernière lettre n’est pas aisée, mais étudiée, irrégulière ;
les lettres sont tracées avec trop de soin, d’autres au contraire
sont hésitantes. L’absence de ratures et l’espacement soigneux
des mots, surtout en fin de lignes, montrent sans aucun doute que
cette lettre a été copiée sur un brouillon. Cette lettre a- t-elle
été réellement écrite par Klement ? Je n’irai pas jusqu’à le
nier catégoriquement. Si l’on prend chaque caractère
individuellement, l’écriture est très semblable, mais le
manuscrit dans son
ensemble
manque de naturel et d’aisance. Si c’est l’écriture de
Klement, ce ne peut être que dans des circonstances très
exceptionnelles : il est plus vraisemblable qu’il s’agit d’un
faux
habile.
4.
Du point de vue de l’écriture, la salutation
et la signature
attirent
l’attention. De toute évidence, elles ont été écrites à des
moments différents (couleurs d’encres différentes) et d’une
main quelque peu différente. Il n’existe qu’une alternative : ou
bien l’auteur de cette lettre a hésité longtemps avant de savoir
quelle salutation et quelle signature il allait employer, et il n’a
résolu la question que longtemps après avoir terminé cette lettre,
ou bien le faussaire avait déjà devant lui des modèles des mots «
Trotsky » et « Frédéric » tirés d’une ancienne
correspondance, tandis qu’il a fallu composer le reste de la lettre
à partir de caractères individuels. D’où le plus grand naturel
et la plus grande aisance de la salutation et de la signature.
5.
Il est difficile d’expliquer le nom de « Frédéric » en guise de
signature. Il est vrai que Klement a réellement utilisé ce
pseudonyme autrefois, mais il l’a abandonné depuis plus de deux
ans, quand il en vint à soupçonner de plus en plus qu’il était
connu du G.P.U. ou de la Gestapo. Les lettres que j’ai reçues de
Klement au Mexique depuis un an et demi ont toujours été signées «
Adolphe » ou « Camille », jamais « Frédéric ». Qu’est-ce qui
a fait revenir Klement à un pseudonyme depuis longtemps abandonné,
particulièrement dans une lettre qu’il m’adressait à moi ? Ici
s’impose naturellement l’hypothèse selon laquelle les faussaires
qui ont écrit cette lettre avaient en leur possession de vieilles
lettres de Klement, signées Frédéric et qu’ils ne connaissaient
pas son changement de pseudonyme. Pour l’enquête, cette
circonstance est d’une énorme importance.
6.
Dans le contenu de cette lettre il y a quelque chose comme deux
niveaux reliés mécaniquement l’un à l’autre. D’un côté,
cette lettre répète les basses falsifications du G.P.U. sur mes
rapports avec le fascisme, mes relations avec la Gestapo, etc. ; de
l’autre, elle critique ma politique, apparemment du point de vue
des intérêts de la IVe
Internationale, et tente ainsi d’expliquer le « tournant » de
Klement. Cette ambiguïté traverse la lettre tout entière.
7.
En ce qui concerne les entretiens inventés de toutes pièces entre
Klement et moi sur le caractère admissible de « concessions
temporaires au fascisme dans l’intérêt de la révolution
prolétarienne », cette lettre ne fait que répéter avec retard les
« aveux » correspondants aux procès de Moscou. « Frédéric »
n’essaie pas d’introduire un trait vivant, concret, dans
l’imposture de Moscou. Mieux, il déclare simplement que le « bloc
» avec le fascisme a été conclu « sur une base qui n’est pas
encore claire pour moi » (Frédéric), comme s’il renonçait
d’avance à toute tentative pour comprendre ou expliquer les
méthodes, les tâches, les objectifs de ce bloc fantastique. Il
apparaît ainsi que j’aurais jugé nécessaire dans le passé
d’initier « Frédéric » à mon alliance avec Berlin, mais que je
ne l’aurais pas initié à la signification de cette alliance. En
d’autres termes, ma « franchise » n’avait que l’unique
objectif d’aider le G.P.U. « Frédéric » écrit plus loin sur la
même question que « ce qu’on appelait utilisation du fascisme,
c’était la collaboration directe avec la Gestapo ». Pas un mot
sur ce en quoi consistait cette collaboration, ni comment précisément
« Frédéric » aurait été au courant. Dans cette partie, «
Frédéric » suit strictement les honteuses méthodes de
Vychinsky-Ejov.
8.
Viennent ensuite des accusations d’ordre « interne », destinées
à servir de motifs pour la rupture de Klement avec la IVe
Internationale et avec moi personnellement. Il est curieux que cette
partie de la lettre commence par une allusion à mes « façons
bonapartistes », c’est-à-dire semble retourner contre moi
l’épithète que j’ai appliquée au régime stalinien. Soit dit
en passant, toutes les accusations dans les procès contre les
trotskystes sont construites sur ce modèle : Staline charge ses
adversaires politiques des crimes dont il est lui-même coupable et
d’accusations qui sont lancées contre lui. Vychinsky, le G.P.U. et
ses agents conduisent cette opération presque automatiquement «
Frédéric » suit docilement un cadre strict tracé d’avance.
9.
La lettre énumère ensuite toutes les conséquences négatives de
mes méthodes « bonapartistes ». « Dans le passé, dit-il, nous
avons été abandonnés par des gens comme Nin, Roman Well, Jakob
Frank H » La combinaison de ces trois noms est étrange. Roman Well
et Jakob Frank sont, en leur temps, retournés ouvertement à
l’Internationale communiste après avoir essayé pendant un temps
de travailler dans nos rangs comme agents secrets de l’Internationale
communiste. Au contraire, après sa rupture avec nous, André Nin a
maintenu une position indépendante, est resté hostile à l’I.C.
et est tombé victime du G.P.U. Klement sait très bien cela. Mais «
Frédéric » l’ignore ou ne le sait pas.
10.
« Vous avez livré le P.O.U.M., poursuit Frédéric, aux staliniens
qui l’ont mise en pièces”. Cette phrase est tout à fait
énigmatique, pour ne pas dire dénuée de sens. Malgré la rupture
ouverte du P.O.U.M. avec la IVe
Internationale, le G.P.U. a persécuté les membres du P.O.U.M.
précisément comme s’ils étaient trotskystes ; en d’autres
termes, le P.O.U.M. a été mis en pièces sur la même base que les
adhérents de la IVe
Internationale. La phrase énigmatique de « Frédéric » est selon
toute apparence dictée par le désir de dresser contre le «
trotskysme » ceux des membres du P.O.U.M. qui n’ont pas encore été
assassinés par le G.P.U.
11.
Les accusations portant sur une période ultérieure ne sont pas
moins fausses : « Récemment, notre organisation a été abandonnée
par des hommes comme Sneevliet et Vereeken, qui ont montré tant de
sens politique et de sagesse dans la question espagnole. » Sneevliet
et Vereeken ont en réalité manifesté leur sympathie pour le
P.O.U.M. que les staliniens accusaient d’être lié au fascisme. Il
semble ainsi que « Frédéric », d’un côté, se solidarise avec
le P.O.U.M., Sneevliet et Vereeken, et, de l’autre, répète les
accusations du G.P.U. contre ses adversaires (et par conséquent le
P.O.U.M. également) d’être liées au fascisme. Il faut ajouter
qu’au cours des dernières années, Klement m’a souvent reproché
amicalement d’être trop tolérant et trop patient avec Sneevliet
et Vereeken. Mais apparemment « Frédéric » n’en sait rien.
12.
«
Nous avons été abandonnés, poursuit-il, par Molinier, Jan Bur et
son groupe, Ruth Fischer, Maslow, Brandler et autres. » Dans cette
lettre, le nom de Brandler, qui n’a jamais appartenu au camp
trotskyste, mais, au contraire, a toujours été son ennemi ouvert et
irréductible, saute aux yeux. Des années de lutte ouverte au cours
desquelles il a invariablement défendu le stalinisme contre nous
témoignent de son animosité. Klement connaissait bien le visage
politique de Brandler et notre attitude à son égard. Il ne
connaissait en même temps que trop bien la vie interne de la IVe
Internationale. Pourquoi « Frédéric » a-t-il introduit le nom de
Brandler parmi ces gens qui ont appartenu à notre mouvement, puis
rompu avec lui ? Deux explications sont possibles. Si l’on admet
que la lettre a été écrite par Klement, il faut supposer qu’il
l’a écrite sous le canon d’un revolver et a inclus le nom de
Brandler pour démontrer qu’il écrivait sous la contrainte. Si
l’on part de l’idée que cette lettre est un faux, l’explication
en est donnée par l’ensemble de la technique du G.P.U. dans
laquelle l’ignorance s’allie au cynisme. Lors des procès de
Moscou, tous les adversaires de Staline ont été mis dans le même
sac. Parmi les membres de l’inexistant « bloc des droitiers et des
trotskystes », il n’y avait pas seulement Boukharine, mais aussi
Brandler et même Souvarine. Conformément à la même logique,
Brandler se retrouve là au milieu de gens qui ont rompu avec la IVe
Internationale, à laquelle il n’a, lui, jamais appartenu.
13.
« Il est puéril de penser, continue ” Frédéric ”, que
l’opinion publique se laissera pacifier par la simple déclaration
que ces gens étaient tous des agents du G.P.U. » Cette phrase- là
est plus incompréhensible encore. Aucun d’entre nous n’a jamais
dit que Nin et les autres dirigeants du P.O.U.M. anéantis par le
G.P.U., étaient des agents de ce dernier. C’est vrai aussi des
autres personnes citées dans la lettre, à l’exception de Well
qui, par son activité, s’est ouvertement distingué comme étant
au service du G.P.U. Klement savait très bien qu’aucun d’entre
nous ne lançait contre les gens énumérés dans cette lettre
d’accusations aussi extravagantes. Mais toute l’affaire est dans
ce que « Frédéric », en essayant au passage de défendre
l’Américain Carleton Béals et d’autres amis et agents du
G.P.U., doit en même temps, par conséquent, discréditer
l’accusation même de liaison avec le G.P.U. D’où ce procédé
maladroit qui consiste à étendre le soupçon — en mon nom — à
des gens à qui, de toute évidence, on ne peut l’étendre. Encore
dans le style de Staline-Vychinsky-Iagoda-Ejov.
14.
Le nom de « Béals » est écrit de façon incorrecte dans cette
lettre : « Bills ». Seul quelqu’un qui connaît mal l’anglais
peut l’écrire ainsi. Mais Klement connaissait bien l’anglais,
connaissait le nom de Béals et était très pédant quant à
l’orthographe des noms propres.
15.
L’allemand de cette lettre est correct, mais il me semble plus
primitif et plus lourd que la langue de Klement, lequel possédait
des qualités de style.
16.
Il faut également souligner la référence à la prochaine
conférence internationale, au moyen de laquelle j’espère, selon
les termes de la lettre, « sauver la situation » pour la IVe
Internationale. En réalité, comme une abondante correspondance le
démontre, Klement était l’initiateur de cette conférence et
avait pris une part très active à son organisation. Le G.P.U., dans
la mesure où il connaissait les affaires intérieures de la IVe
Internationale (par la presse, les bulletins intérieurs, peut-être
ses propres agents secrets), a pu espérer, en enlevant Klement avant
la conférence, arrêter le travail d’organisation et empêcher la
conférence elle-même.
17.
Cette partie de la lettre comprend une référence à la proposition
de faire entrer Walter Held au secrétariat international «
apparemment sur des ordres venus d’en-haut ». En d’autres
termes, l’auteur de cette lettre veut laisser entendre que Walter
Held est un agent de la Gestapo. L’absurdité d’une telle
information est évidente pour qui connaît Held. Mais naturellement,
c’est l’un des desseins du G.P.U. que de jeter une ombre sur
chacun des membres éminents de la IVe
Internationale.
18.
Cette lettre se termine par ces mots : « Je n’ai aucun désir de
me prononcer ouvertement contre vous ; j’en ai assez de tout cela
et je suis fatigué. Je m’en vais et je laisse ma place à Held ».
La fausseté de ces phrases est absolument évidente. «
Frédéric » n’aurait pas écrit cette lettre si lui ou ses
patrons n’avaient pas voulu, d’une façon ou d’une autre,
l’utiliser ultérieurement. Comment? Cela n’apparaît pas encore?
Peut- être pourrait-elle l’être dans le procès à huis clos de
Barcelone
contre
les trotskystes? Mais peut-être aussi pour un plus vaste dessein.
★
★ ★
Quelles
conclusions découlent de cette analyse préliminaire ? Au premier
abord, en recevant cette lettre, je n’ai pas douté qu’elle fût
écrite de la main de Klement, mais dans un état de particulière
nervosité. Mon impression s’explique par le fait que j’avais
l’habitude de recevoir des lettres de Klement et n’avait jamais
eu aucune raison de douter de leur authenticité. Plus j’ai examiné
le texte, cependant, plus j’ai été convaincu qu’il ne
s’agissait que d’un faux très habile. Le G.P.U. ne manque pas de
spécialistes en tout genre. Mon ami Diego Rivera, qui a l’œil
aiguisé du peintre, ne doute pas que l’écriture soit contrefaite.
Pour résoudre cette question, nous pouvons et nous devons utiliser
les services d’un expert en écritures.
Si,
comme je le crois, il était établi que cette lettre est un faux,
tout le reste s’éclairerait :
Klement
a été enlevé, il a disparu et il a probablement été assassiné.
C’est le G. P. U. qui a fabriqué cette lettre dépeignant Klement
comme un traître à la IVe
Internationale, peut-être avec l’objectif de rejeter sur les
« trotskystes
» la
responsabilité de son assassinat.
Tout
cela est bien dans les pratiques de ce gang international, et je
considère cette variante comme la plus vraisemblable.
J’ai
tout d’abord imaginé, comme je l’ai déjà dit, que cette lettre
avait été écrite par Klement sous la menace d’un revolver ou par
peur pour des êtres chers. Ou, plus exactement, copiée par lui à
partir d’un original placé sous ses yeux par les agents du G.P.U.
Si cette hypothèse se confirme, il n’est pas exclu que Klement
soit encore en vie et que le G.P.U., dans un proche avenir, tente de
lui extorquer d’autres aveux « volontaires ». Les « aveux » de
ce type dictent la réponse de l’opinion publique : que Klement,
s’il est encore en vie, vienne, ouvertement, devant la police,
devant les autorités judiciaires, ou devant une commission
impartiale, et qu’il dise tout ce qu’il sait. Mais nous pouvons
d’avance prédire qu’en aucun cas le G.P.U. ne laissera Klement
lui échapper.
Théoriquement,
une troisième supposition est possible, que Klement ait brutalement
changé d’opinion et soit passé de son plein gré du côté du
G.P.U., tirant de son acte toutes les conclusions pratiques,
c’est-à-dire en acceptant d’appuyer toutes les impostures de cet
organisme. On peut même aller plus loin et supposer que Klement a
toujours été un agent du G.P.U. Mais l’ensemble des faits, y
compris la lettre du 14 juillet, rendent cette hypothèse tout à
fait inconcevable. Klement aurait eu très souvent la possibilité de
rendre au G.P.U. les plus grands services, qu’il s’agisse de ma
vie, de celle de Léon Sedov ou du sort de mes collaborateurs et de
mes documents. Il aurait eu la possibilité d’intervenir
ouvertement pendant les procès de Moscou, avec des « révélations
» qui, en ces jours au moins, auraient produit beaucoup plus
d’impression que maintenant. Mais, pendant les procès de Moscou,
Klement a fait tout ce qu’il pouvait pour démasquer les
impostures, aidant activement Sedov dans la recherche de la
documentation. Klement a manifesté un grand dévouement à notre
mouvement et un sérieux intérêt théorique pour la discussion des
questions à débattre. De sa plume sont sorties une série de
lettres et d’articles qui démontrent le sérieux de son attitude,
son attachement fervent au programme de la IVe
Internationale. Feindre le dévouement et l’intérêt théorique
pour un mouvement pendant plusieurs années, c’est une tâche plus
que difficile.
Il
est exactement aussi difficile d’accepter l’hypothèse d’un «
tournant » brusque pendant la dernière période. Si Klement était
passé volontairement à l’I.C. et au G.P.U., peu importe pour
quelle raison, il n’aurait aucune raison de se cacher. Roman Well
et Jakob Frank, que j’ai cités plus haut, comme Sénine, le frère
de Roman Well, ne se sont pas du tout cachés après leur « tournant
» ; au contraire, ils se sont exprimés ouvertement dans la presse
et Well et Sénine — les frères Sobolevitch — ont même fait une
carrière. Finalement, au cas où il serait passé volontairement du
côté de l’I.C., Klement, qui était un homme informé et capable,
aurait écrit une lettre bien plus cohérente, sans des énormités
qui parlent d’elles-mêmes, et sans des absurdités que n’importe
quel magistrat instructeur, n’importe quelle commission impartiale,
munie de la documentation nécessaire, peut sans peine réfuter.
Voilà
les considérations qui conduisent à la conclusion que Klement a été
enlevé par le G.P.U. et que sa lettre à mon adresse est un faux
fabriqué par les spécialistes du G.P.U. Il est très facile de
réfuter cette hypothèse : «
Frédéric
» doit
sortir de sa cachette et porter ses accusations en public.
S’il ne le fait pas, cela veut dire que Klement est dans les
griffes du G.P.U. et probablement qu’il est déjà liquidé, comme
tant d’autres.
La
principale responsabilité pour résoudre le mystère de la
disparition de Rudolf Klement revient à la police française.
Espérons, aussi difficile que cela soit, que, cette fois, elle se
montrera plus persévérante et qu’elle aura plus de succès
qu’elle n’en a eu pour résoudre les crimes antérieurs du G.P.U.
sur le sol français.
P.-S.
Tout ce qui est ci-dessus avait déjà été rédigé lorsque j’ai
reçu de Paris une lettre du camarade Rous, datée du 21 juillet,
dont chaque ligne confirme les conclusions ci-dessus.
1)
Rous
a reçu une copie de la lettre qui m’était adressée, mais signée
« Rudolf Klement » et « Adolphe ». S’étant imaginé que la
même signature figurait sur l’original qui m’a été adressé, Rous
s’est légitimement étonné que cette lettre soit signée «
Adolphe » et pas « Camille », la signature qu’il utilisait dans
toute la dernière période. Dans sa lutte contre l’espionnage du
G.P.U. et de la Gestapo, Klement a changé trois fois de pseudonyme
au cours des dernières années, dans l’ordre suivant : Frédéric,
Adolphe, Camille. De toute évidence, le G.P.U. est tombé dans le
piège. Possédant les trois noms — Klement, Frédéric, Adolphe —,
afin de rendre le tout plus plausible, elle les a mis tous les trois
sur les différentes copies — ce qui, en soi, est absurde — mais
n’a pas utilisé le seul nom que Klement utilisait réellement pour
signer, au cours de la dernière période.
2)
Le 8 juillet, soit huit jours avant la disparition de Klement, sa
serviette, contenant des documents, a disparu dans le métro. Bien
entendu, on ne l’a pas retrouvée. Klement, qui savait très bien
que le G.P.U. opère à Paris comme chez lui, a immédiatement
informé toutes les sections de la IVe
Internationale du vol de sa serviette et suggéré l’arrêt de tout
envoi de lettres à son ancienne adresse.
3)
Le 15 juillet, après avoir reçu la lettre d’ « Adolphe »,
tamponnée de Perpignan, les camarades français ont visité la
chambre de Klement. Sa table était mise, tout était en ordre, pas
le moindre signe de préparatif de départ ! L’importance de cet
élément n’a besoin d’aucune explication.
4)
Le camarade Rous souligne que l’adresse, sur la lettre de
Perpignan, était écrite à la russe, d’abord le nom de la ville,
puis, au bas de l’enveloppe, celui de la rue. On peut considérer
qu’il n’y a aucun doute : en Allemand et en Européen qu’il
était, Klement n’a jamais rédigé ses adresses de cette façon.
5)
Pourquoi, interroge Rous, le nom de « Béals » est-il écrit comme
en russe « Bills », en d’autres termes, la translittération
russe du nom est simplement écrite en caractères latins ?
Laissant
de côté les autres remarques de Rous (Rous et les autres camarades
français porteront eux-mêmes ces considérations à l’attention
du public et des autorités françaises), je me contenterai
maintenant d’affirmer que les premières informations factuelles
reçues directement de France confirment pleinement les conclusions
auxquelles j’étais arrivé sur la base de l'analyse de la lettre
signée « Frédéric », à savoir que Rudolf
Klement a été assassiné par le G.P. U.