Léon
Trotsky : Le Droit
d’asile totalitaire
(19
septembre 1938)
[Source
Léon Trotsky, Œuvres 18, juin
1938 a septembre 1938.
Institut Léon Trotsky, Paris 1984, pp. 294-295,
voir des
annotations
là-bas]
La
fonction de la revue Futuro
est de démontrer à ses lecteurs que Lombardo Toledano n’a ni
programme ni idées. Elle assume pleinement sa tâche. Dans son
numéro de septembre, Futuro
assure qu’en « principe », Lombardo Toledano est partisan du «
droit d’asile », mais qu’il ne considère pas que ce droit
puisse être accordé à ceux pour lesquels Lombardo Toledano n’a
aucun sentiment de tendresse personnelle ou politique. Telles sont
les idées sur la démocratie de ces gens-là. Par « liberté de la
presse », ils entendent le droit de la presse, ou plutôt son devoir
de chanter les louanges de Toledano et de son patron Staline. Par le
droit d’asile, ils entendent le droit pour les agents du G.P.U.
d’entrer au Mexique. Une fois de plus, Lombardo révèle sa
solidarité fondamentale avec Hitler, lequel, non seulement
reconnaît, mais même applique très largement le droit d’asile
pour les fascistes qui se sont enfuis hier d’Autriche et qui fuient
aujourd’hui de Tchécoslovaquie ou des États-Unis Toledano s’est
rapproché des idéaux de Hitler à travers son patron Staline. La
révolution d’Octobre a proclamé le droit d’asile pour tous les
combattants révolutionnaires. Staline, aujourd’hui, les extermine
par dizaines de milliers — Allemands, Hongrois, Bulgares, Polonais,
Finnois, etc. —, seulement parce que leurs idées ne coïncident
pas avec les intérêts de la clique bonapartiste régnante. Toledano
n’est pas encore le patron au Mexique. Il ne peut pas, comme son
professeur et maître, fusiller ou empoisonner des émigrés sans
défense. Il lui reste à sa disposition la calomnie et la
persécution, et il les utilise tant qu’il le peut.
Toledano
va, bien entendu, répéter une fois de plus que nous sommes en train
d’« attaquer » la C.T.M. Aucun ouvrier raisonnable ne croira ce
ragot. La C.T.M., en tant qu’organisation de masse, a tous les
droits à notre respect et à notre soutien. Mais, de même qu’un
État démocratique ne peut pas à tout instant être identifié à
celui qui est son ministre à un moment donné, de même on ne peut
identifier une organisation syndicale à son secrétaire. Toledano a
sur ces questions le point de vue totalitaire. « L’État, c’est
moi ! », disait Louis XIV. « L’Allemagne, c’est moi! » dit
Hitler. « L’U.R.S.S., c’est moi! » affirme Staline. «La.
C.T.M., c’est moi!» proclame l’incomparable Toledano. Si ce
cynique individu venait au pouvoir, il pourrait devenir le pire des
tyrans totalitaires pour les ouvriers et les paysans mexicains.
Heureusement son insignifiance personnelle constitue une sérieuse
garantie contre ce danger.