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Léon Trotsky 19381012 Lettre à Charles Malamuth

Léon Trotsky : Lettre à Charles Malamuth

(12 octobre 1938)

[Source Léon Trotsky, Œuvres 19, octobre 1938 a décembre 1938. Institut Léon Trotsky, Paris 1985, p. 97-98, titre : « Le Problème de la traduction », voir des annotations là-bas]

Cher Camarade Malamuth,

Je suis terriblement embarrassé par la situation qui s’est créée. Mon anglais est trop rudimentaire pour que je puisse avoir une appréciation définitive sur votre texte. Quelques amis américains qui ont lu le premier chapitre ne le trouvent pas bon. J’ai demandé l’avis des éditeurs et découvert avec le plus grand déplaisir qu’ils sont du même avis que mes conseillers américains.

Sur la base d’une longue expérience, je sais très bien que la capacité de traduire n’est pas identique à la capacité d’écrivain ou de journaliste. Lénine, par exemple, était un excellent traducteur, mais Martov, auteur brillant, n’était qu’un piètre traducteur. Je considère moi-même que mes traductions sont loin d’être parfaites. Pendant ma déportation en Asie centrale, j’ai essayé de traduire le pamphlet de Marx contre Karl Vogt. J’ai rencontré les pires difficultés et j’ai abandonné.

Les difficultés doublent ou triplent d’habitude quand le style personnel de l’auteur et du traducteur n’ont aucune parenté.

J’accorde généralement la plus grande attention au style de ce que j’écris. Je consacre une partie très importante du temps de mon travail à donner à chaque chapitre la forme littéraire nécessaire. C’est pourquoi j’ai des appréhensions en ce qui concerne la qualité de la traduction. Même si l’appréciation de mes amis américains et des experts de Harpers était juste, il est possible que la cause en soit qu’il vous faut travailler plus de chapitres pour trouver la forme littéraire nécessaire. C’est pourquoi j’espère que la « crise » trouvera une solution satisfaisante. En tout cas, je serais absolument désolé si notre collaboration devait être interrompue à la première difficulté.

J’ai reçu de vous un paquet de livres et votre amicale attention rend toute l’histoire plus insupportable encore pour moi.

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