Léon
Trotsky : Lettre à Charles R. Walker
(26
février 1938)
[Source
Léon Trotsky, Œuvres 16, janvier 1938 – mars 1938. Institut Léon
Trotsky, Paris 1983, pp. 205-206,
titre « Les Contrats » voir des
annotations là-bas]
Cher
Camarade Walker,
Le
retard de ma réponse à votre lettre du 16 a été déterminé par
le tragique événement dont vous êtes informé. Nous apprécions
profondément le câble de sympathie envoyé par vous et votre femme.
A
cet égard, permettez-moi d’indiquer que notre fils n’avait pas
du tout négligé la question de l’édition française de votre
livre. Il connaissait très bien votre amitié active pour moi et
Natalia et, comme ses lettres le montrent, vous considérait comme un
ami, personnellement inconnu, mais bon et sûr. Il avait pris contact
avec plusieurs éditeurs. En dépit du fait que le livre fut toujours
reçu avec intérêt par tous les éditeurs intelligents, ils
répondaient que la situation du marché du livre est si désespérée
à présent qu’un livre qui n’est pas directement « sensationnel
»
ne peut pas être publié. Mais Léon n’avait pas perdu l’espoir
de réussir, jusqu’à sa dernière lettre.
La
proposition de Harpers, les résultats de vos longs efforts, est tout
à fait acceptable. J’inclus une lettre pour M. Canfield à ce
sujet.
Il
ne reste qu’une seule question inquiétante, à savoir celle de la
traduction. La sérialisation est impossible sans une traduction à
temps. Celle de La
Révolution trahie
a été totalement perdue comme résultat du retard de la traduction.
D’un autre côté, je dois avoir la possibilité de lire la
traduction afin d’éviter de déplorables erreurs qui sont
inévitables, même avec un traducteur
aussi
exceptionnel que Max Eastman. Cette question doit
être
réglée dans le contrat ou dans un accord particulier. C’est
une
nécessité absolue née d’une longue et très fâcheuse
expérience.
En
ce qui concerne l’attitude de Doubleday Doran, ce n’est pas
un
phénomène nouveau pour moi. Tous mes éditeurs dans tous
les
pays ont été
« gagnés
»
ou,
au moins, Moscou a essayé :
en Allemagne,
en France, en Tchécoslovaquie et ailleurs. Sur cette
base
j’ai mené un grand procès contre mon premier éditeur allemand.
Je
l’ai gagné, après deux ans de lutte. Au cours des derniers
mois,
Léon a arrangé le transfert de mes livres de Rieder chez
Grasset,
parce que Rieder a été « gagné » par Moscou J’avais
quelque
soupçon du fait que M. Maule, de Doubleday Doran,
après
toute une série de lettres très optimistes et très amicales,
avait
tout d’un coup arrêté toute correspondance. En tout
cas,
il serait bon d’obtenir de lui un rapport sur la situation de
La
Révolution
trahie.
Salutations
les plus chaleureuses et les plus sincères de Natalia
et
moi à la camarade Adélaïde et à vous.