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Léon Trotsky 19380418 Lettre à James Burnham

Léon Trotsky : Lettre à James Burnham

(18 avril 1938)

[Source Léon Trotsky, Œuvres 17, mars 1938 a juin 1938. Institut Léon Trotsky, Paris 1984, pp. 197-198, titre : « Pour un Échange d’idées », voir des annotations là-bas]

Cher Camarade Burnham,

Merci pour votre information sur Partisan Review. J’ai reçu d’eux ce matin une réponse très amicale à ma dernière lettre dont je vous ai envoyé copie. Je pense qu’il est maintenant possible de commencer ma collaboration à cette revue, en supposant que les amis américains n’y voient pas d’objection. La camarade Rae Spiegel a traduit de sa propre initiative un discours de moi en 1925 sur le rapport entre les sciences naturelles et les sciences sociales. Elle m’a dit qu’elle va vous l’envoyer. Il est possible que cet article convienne pour Partisan Review; pour The New International il se peut qu’il soit trop long, mais vous en jugerez vous-même et consulterez les autres amis. Je plaide pour qu’on le donne à Partisan Review parce qu’il me serait très difficile de leur donner un autre article pendant les prochains mois qui vont être consacrés exclusivement à mes livres.

Vous trouverez dans le projet de programme une formulation plus précise de la question de l’abolition du secret commercial à travers le contrôle ouvrier. Il est possible que la législation aux États-Unis sur ce point soit plus « progressiste » que, par exemple, en France ou dans quelques autres pays (bien entendu le Programme est international), mais la différence est plus juridique que réelle. La fraude fiscale, autant que je sache, est aux États-Unis plutôt la règle que l’exception. Lundberg donne le capital et le revenu des « soixante familles », mais pas sur la base des bilans publiés, sur la base d’évaluations hypothétiques. En ce sens, le secret commercial continue. Bien entendu, si les camarades américains trouvent une formule qui s’applique mieux aux États-Unis, je ne pourrais que me féliciter d’un tel amendement.

Je serais très heureux d’avoir votre opinion sur l’idée de Programme de transition en général et sur ses mots d’ordre les plus importants. On peut objecter que le texte contient non seulement un programme, mais aussi des commentaires sur le programme qui rendent trop longue toute la chose et, d’une certaine manière, dissolvent les revendications transitoires dans des considérations et des polémiques politiques ; mais il me semble que les avantages de cette présentation l’emportent sur ses côtés négatifs. Il serait très difficile de présenter la signification réelle du Programme de transition sans un minimum de commentaires politiques. Chaque section peut extraire du texte les revendications transitoires, leur donner un caractère plus national et publier le programme sous cette forme élargie pour une diffusion plus grande. Dans un tel document, il n’est même pas nécessaire d’utiliser le terme « transitoire » puisque, pour les larges masses, nos revendications doivent être directement déduites de la situation actuelle et non pas présentées comme la route vers un objectif qu’elles n’ont pas encore accepté.

Il me semble que l’élaboration du Programme de transition et sa concrétisation par chaque section nationale aura une énorme importance pour notre propagande, notre agitation et toute la ligne politique. Nous sommes trop négatifs, trop purement critiques et trop abstraits. Nos écrivains et nos orateurs présentent souvent leurs idées comme si les masses avaient accepté la nécessité de la révolution socialiste et comme si notre unique tâche était de leur prouver que les méthodes des réformistes et des staliniens ne sont pas adéquates. L’objectif du Programme de transition est de donner à toute notre propagande et toute notre activité une base nouvelle, plus populaire, plus large, plus réaliste... Il est possible qu’il soit nécessaire d’introduire ces considérations dans le texte du Programme de Transition lui-même.

Natalia Ivanovna et moi-même vous sommes du fond du cœur reconnaissants de vos paroles chaleureuses au sujet de notre terrible perte... Nous vous attendions avec impatience car les camarades qui nous avaient rendu visite espéraient que vous pourriez trouver possible de venir par avion, mais nous considérons que votre voyage au Mexique est simplement remis.

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