Léon Trotsky : Lettre à James P. Cannon

(27 février 1940)

[Source Léon Trotsky, Œuvres 23, janvier 1940 à mai 1940. Institut Léon Trotsky, Paris 1986, pp. 198-199, titre : « Pas d’impatience », voir des annotations là-bas]

Cher Ami,

Je réponds à votre lettre du 20 février^. La conférence de la minorité est, je le suppose, terminée maintenant, et je crois qu’au sujet de la question tactique concrète que vous analysez dans votre lettre, vos initiatives immédiates dépendront au moins à 51 % des résultats de cette conférence.

Vous êtes convaincu que la minorité dans son ensemble est en train de se préparer à la scission et que vous ne pouvez plus gagner personne. J’accepte cette prémisse. Mais il était d’autant plus nécessaire de faire avant la conférence de Cleveland un geste de paix énergique pour pouvoir changer radicalement notre ligne après leur réponse négative. J’apprécie tout à fait vos considérations en faveur de la publication d’un numéro de New International préparant l’opinion publique à la scission. Mais la conférence de la minorité s’est tenue le 24 février et le congrès du parti n’aura pas lieu avant le début d’avril. Vous disposez d’assez de temps pour proposer la paix, dénoncer le refus de la minorité, et publier le numéro de New International. Nous devons tout faire pour convaincre également les autres sections que la majorité a épuisé toutes les possibilités en faveur de l’unité. C’est pourquoi nous avons tous les trois fait cette proposition au comité exécutif international : il est également nécessaire de mettre à l’épreuve tous les membres de cet organisme qui n’est pas dénué d’importance.

Je comprends bien l’impatience de nombreux camarades de la majorité — et je suppose qu’elle n’est pas sans être souvent en liaison avec l’indifférence théorique — mais il faut leur rappeler que ce qui se passe dans le Socialist Workers Party a maintenant une grande importance internationale et qu’on ne doit pas agir sur la base de ses propres appréciations subjectives, aussi justes soient-elles, mais sur la base de faits objectifs accessibles à tous.

J’ai reçu une copie de l’article de mon ami Gerland, « L’Algèbre de la révolution ». Je recommande chaudement cet article pour New International. L’auteur devrait donner une série d’articles de ce genre. Munis devrait aller au congrès et au plénum d’après-congrès du comité exécutif international. Il est intelligent et ferme.